Ellah a. Thaun sort le 18 février son nouvel album Arcane Majeur 2. Rencontre avec Nathanaëlle qui nous parle de son groupe, de ce nouvel opus ainsi que de ses nombreuses références littéraires et musicales.
Pour commencer, peux-tu nous faire une petite présentation du groupe, de ses membres et de l’univers musical de chacun ?
Sur le dernier album, il y a trois musiciens qui viennent du milieu hardcore punk de la scène rouennaise de la fin des années 90 et début 2000. Pour citer les groupes, c’est Burn Hollywood Burn et The Elektrocution. Je les connaissais de réputation quand j’étais au lycée. Ces groupes-là se sont arrêtés et les musiciens se sont mis à des musiques beaucoup plus sombres. Ils ne se sont pas assagis du tout, c’est même l’inverse et j’ai trouvé ça vraiment intéressant. En ce qui concerne ma claviériste et moi, on vient de la musique industrielle expérimentale, électronique. On avait des dates partagées entre notre projet indus et leur projet hardcore.
A quelle époque s’est faite cette rencontre ?
Ça date de 2014. J’avais déjà Ellah a. Thaun en solo depuis deux ans. J’avais sur quelques dates un batteur avec moi et il fallait faire un mix de tout ça.
Arcane Majeur 2 sort le 18 février. Il y a eu avant ça Arcane Majeur sorti en novembre 2018, et entretemps, il y a eu un autre album également.
Oui, cet album fait la jonction entre les deux. En fait, à un moment on a envisagé, pour des raisons plus administratives qu’artistiques d’appeler le groupe Arcane Majeur pour dissocier les deux projets. Mais finalement, j’ai trouvé bien de tout garder sous le nom de Ellah a. Thaun. C’est devenu Arcane Majeur avec une sorte de fil directeur, en sachant dès le départ qu’il y aurait un Arcane Majeur 2 et 3. D’un autre côté, je me suis rendu compte que je voulais arrêter ce que je faisais en solo sous le nom d’Ellah a. Thaun. Ça devait se transformer en autre chose, un projet beaucoup plus littéraire dans lequel il y a aussi des performances et des lectures performées. En l’occurrence ça vient d’un blog que je tiens qui s’appelle Neuromancienne, et pour ce projet, je voulais faire un travail qui fasse une sorte de séparation entre Arcane Majeur 2 et Neuromancienne et qui s’appelle Neuromantique, du nom du roman que j’écris. Ce double album est une espèce de micro opéra dans lequel il y a tout mon groupe, mais jamais tout le monde en même temps. Il y a des titres studio, du live, des demos. C’est vraiment un travail expérimental. Je l’ai sorti en vinyle, mais le disque est enregistré avec des bruits par-dessus, avec l’idée de travailler sur le vrai et le faux, il y a de faux live aussi... C’est un truc qui m’intéresse beaucoup.
Il y a également plusieurs EP qui sont sortis à côté de ça.
Oui, j’ai sorti les titres d’Arcane Majeur 1 qui ne sont pas sur l’album. Parce qu’à la base, sur Arcane Majeur, il devait y avoir une face rock et une face électronique. Mais finalement, le label a dit non, on fait du rock et il avait raison. Les titres électroniques étaient vraiment très aboutis, le chant était fait, il n’y avait plus qu’à finir de les mixer. Je les ai terminés pendant le confinement. Sinon, quand j’ai fait les prises de voix pour Arcane Majeur 2, pour me chauffer la voix j’ai fait un set de reprises de Stephin Meritt qui est le chanteur de The Magnetic Fields et qui est un de mes groupes préférés. Je me suis rendu compte que j’avais un EP qui tenait la route et je l’ai donc sorti. Il y a eu mes reprises de Twin Peaks aussi.
Quand Arcane Majeur est sorti, tu as dit que tu n’aimais pas qu’un album soit trop produit et que tu préférais qu’il y ait des imperfections. Est-ce que c’est toujours le cas sur Arcane Majeur 2 ?
Non, c’est même l’extrême inverse. Sur le premier, je voulais vraiment tirer parti de toutes les erreurs de studio, même les erreurs de mise en place. Je voulais garder tout ça comme je le faisais en solo. En fait, les deux batteurs que j’avais ont dit qu’il fallait faire une belle mise en place et ça m’a rendue triste à l’époque parce que ce n’était pas ce que je voulais. A l’époque, j’étais avec quelqu’un qui m’avait offert un vinyle de Daniel Johnston qui a fait beaucoup de lo-fi sur cassette mais aussi deux disques avec un groupe. Sur le premier, qui s’appelle Artistic Vice, on entend vraiment ses trucs folks derrière et le groupe essaie de se mettre en place. J’ai adoré la production du disque, j’ai carrément piqué la production et je l’ai appliquée à Arcane Majeur et du coup, l’album ne sonne pas forcément grunge et beaucoup de gens ont trouvé que c’était un disque de garage alors que je n’écoute pas du tout de garage. Cette production a rendu quelque chose d’un peu plus léger parfois et ça m’allait mieux.
Et Arcane Majeur 2 n’est plus du tout lo-fi. L’album a été enregistré par Arno Vancolen du groupe Steeple Remove qui a un background assez important. Mon groupe a mixé l’album pour en faire une espèce de prise live parfaite. De mon côté, je ne voulais pas intervenir là-dessus et ils m’ont rendu le disque entièrement mixé avec la meilleure version de chaque chanson, avec les corrections qu’il fallait et avec des volumes de base. J’ai écouté le disque et je l’ai trouvé atroce parce que ça sonnait comme une répète très bien enregistrée mais il n’y avait pas de… Je me suis dit, ce n’est pas un live, c’est un live studio et il y a une différence entre live et studio et parfois il y a un habillage à trouver. J’ai donc remixé l’album deux fois, et la partie basse-batterie est très industrielle et vraiment puissante et pour la partie guitare, j’ai essayé de ne pas faire quelque chose dans l’air du temps. Je me suis vraiment amusée à détruire les sons de guitare. L’influence que j’ai eue pour les sons de guitare, ce sont les disques solos de David Lynch. Il utilise des sons de guitare d’une manière qu’on n’entend pas beaucoup dans le rock de manière générale.
Esthétiquement parlant, comment classerais-tu Ellah a. Thaun ?
C’est un des problèmes qu’on a… Personne n’arrive à nous classer. A la base, l’écriture des chansons c’est de la pop folk psychédélique. En terme un peu journalistique, de l’école américaine…
Comme The Brian Johnston Massacre par exemple ?
Alors oui, on pourrait trouver ça, mais pour moi c’est des influences d’avant, des années 1960-70, la folk un peu occulte quand le mouvement hippie a commencé à mal tourner, c’est là que ça m’intéresse.
Plutôt Charles Manson alors…
Voilà, c’est carrément cette jonction-là, je la trouve fascinante. Parce qu’on sent que tout le monde est heureux mais que le bad trip n’est pas loin quand même. Après, The Brian Jonhston Massacre, j’ai beaucoup écouté à une époque même si je n’écoute plus depuis des années.
On a refait des live et c’est encore plus violent à chaque fois. J’écoutais beaucoup de screamo quand j’étais plus jeune. On nous parle aussi d’un côté grunge nineties, mais qui n’est plus présent sur tous les titres du nouvel album ; il était plus présent sur Arcane Majeur 1. Là, plus le disque avance et moins c’est grunge en fait.
Il y a certains morceaux de Arcane Majeur 2 comme Sentimental Brat qui m’ont aussi fait penser aux morceaux calmes des Smashing Pumpkins.
Oui, ça je ne vais pas le nier parce que c’est ma plus grande influence au monde. J’adore les Smashing des débuts, mais les Smashing Pumkins de la période de « Mellon Collie and the infinite Sadnesse » de « Adore » c’est ce que j’ai écouté tout l’hiver. Rien que d’y penser, j’ai des frissons. C’est la perfection pour moi.
Quand je rentre en studio, j’ai un peu besoin de modèles. Alors pendant longtemps, j’avais Moby car j’aime beaucoup cet artiste. Mais là c’était vraiment les Smashing Pumkins. J’ai écouté beaucoup de chutes de studio de Mellon Collie et de Adore, notamment au mixage. Ça m’a beaucoup influencée pour Arcane Majeur 2. Pour Arcane Majeur 1, j’avais plutôt écouté Siamese Dream.
Y a-t-il d’autres influences dans Arcane Majeur 2 ?
Burroughs pour les textes. Judee Sill, j’en parle tout le temps. C’est ma musicienne préférée. J’écoutais encore tout à l’heure ses deux albums ; les Buttholl Surfers. Un groupe que j’ai récemment découvert et qui avait deux batteurs. Au tout début c’était complètement déstructuré… En fait, je me suis fait des compilations sur minidisc et j’ai écouté plein de musique. Etrangement, il y a un groupe de rap que j’ai écouté même si j’écoute très peu de rap. Ce groupe s’appelle Salem. Pour moi c’est tellement parfait que je ne peux pas écouter d’autres trucs de rap et de trap. Ça m’a beaucoup influencée pour le traitement des voix et pour les guitares. En fait, je n’écoute pas de trucs récents, c’est même terrible à dire, mais je crois que cela ne m’intéresse plus.
Comment qualifierais-tu l’ambiance générale de l’album ?
En fait, il y a un truc qui s’est fait visuellement. Pour le visuel de Arcane Majeur c’était un feu et des silhouettes ; pour Neuromantique, ce qui fait le lien c’est une aurore boréale et pour Arcane Majeur 2, c’est un paysage de glaciers. On n’y a même pas réfléchi, mais on s’est rendu compte que ça faisait une continuité. On a séparé le disque en deux parties, face A et face B. On a une partie œstrogène et une partie progestérone. Dans Arcane Majeur, ce n’étaient que des chansons d’amour ; dans celui-là, il n’y a pas d’amour du tout. Il n’y a que la question de savoir ce qu’est d’aimer maintenant. C’est un truc qui m’a obsédée parce que pour le premier album je n’étais pas célibataire, j’étais assez heureuse et ça allait assez facilement, et même les chansons que j’avais écrites avant, je les avais interprétées en étant heureuse. Pour le deuxième, je n’étais pas heureuse, j’étais même amère…
Et est-ce que la période de Covid a influencé également sur l’écriture ?
Oui parce qu’il y a deux titres qui ont été écrits durant cette période… et non, parce que nous, on ne sort pas beaucoup. Pendant très longtemps j’ai été agoraphobe et le premier confinement, c’était un peu excessif mais je l’ai bien vécu. Pour le deuxième, c’était plus compliqué.
L’écriture, c’est vraiment mon rapport aux autres et je me suis demandé ce que c’était d’écrire une chanson maintenant. Quand on écrit là-dessus, on parle de relation avec des humains, on parle de sexe, et finalement, je me suis demandé ce que c’était que d’avoir une relation avec quelqu’un. Je me suis intéressée à tous ces trucs d’applications de sites de rencontres. C’est atroce en fait, c’est abominable. Je ne suis pas faite pour ça, j’ai voulu vivre avec mon temps, mais bon… David Bowie disait que dans le futur, la musique serait comme l’eau courante. Et je crois qu’en ce qui concerne les relations entre les gens, c’est comme ça maintenant. Il y a moyen d’avoir une relation tout de suite, on le fait comme Uber Eats… C’est même encore plus triste parce que souvent, les gens ont la flemme…. Il y a une vraie flemme qui existe, et pour moi qui voyait le côté romantique de la relation, ça a influencé mes titres. Etrangement, dans l’album, il y a plus de ballades et quasiment un slow. Souvent, les gens ne lisent pas les textes, mais j’écris vraiment en décalage entre ce qu’est la chanson musicalement et le texte. Pour l’ambiance, il y a beaucoup de violence. Mais cette colère-là, elle vient d’avant la pandémie.
Il y a également beaucoup de ruptures dans les morceaux.
Oui et il y a une raison à ça. Quand j’écris une chanson, j’écris en blocs, et parfois il y a des blocs qui vont d’un titre à un autre et alors je les déplace. C’est surprenant, et parfois on passe d’une chanson qui est en phase d’arrangement, on la reprend au début et on ajoute un couplet et un refrain et ça fonctionne. On réadapte. Mes musiciens sont de super arrangeurs et moi j’aime bien déstructurer le travail et à l’extrême c’est vraiment exigeant. Et tout ça crée ces moments de rupture qu’il y a dans les titres. Ce sont des choses qu’on nous a reprochées d’ailleurs. On nous a dit que ça faisait comme une forme d’indécision musicale mais c’est un parti pris. J’ai un batteur qui peut se permettre de faire ce genre de choses, alors autant en profiter.
C’est toi qui composes dans le groupe ?
Oui, je fais les textes et guitare. Parfois j’ai des demos à leur présenter avec boîte à rythmes, basse, synthé et des arrangements déjà faits. On arrive en répétitions avec ça et il y a quelques titres avec lesquels ça marche tout de suite et on les garde. Parfois ils sont modifiés après l’enregistrement ou en concert. C’est vrai que les faire en live ça change forcément des choses. On se garde toujours une part d’improvisation sur des passages. Et il y a des titres qui ne marchent pas du tout sur le tempo par exemple. Je n’ai pas envie que les musiciens se fassent chier, donc c’est important de varier... même moi parfois je m’ennuie, je trouve que tout se ressemble un peu. Dans ces cas-là, on réarrange ensemble et chacun a son mot à dire.
Et en live, tu retrouves cette liberté d’improvisation ?
Oui, il y a même des passages où je vais improviser au niveau du texte parce que c’est important pour moi. Sur des morceaux instrumentaux à la guitare également. Le batteur me fait des petites blagues aussi et parfois il improvise un peu. Là, il a fait la relance sur un titre qui a pris sa forme alors qu’on ne l’avait pas vraiment trouvée. Forcément, on est sur un format rock et quand on fait du rock maintenant, on est dans un univers qui est délimité. On n’a rien à redire dans le rock contrairement aux musiques électroniques qui ont vraiment su se démarquer.
Je me suis rendu compte que ce que je faisais depuis des années c’était plutôt de la poésie chantée ou de la poésie sonore. Et là j’ai choisi le format du rock un peu comme une plasticienne choisirait une palette de peinture et de couleurs. Je sais très bien où ça commence et où ça se termine, ce n’est pas grave, c’est un exercice.
Tu parles de poésie chantée ou de poésie sonore… je crois que tu es aussi inspirée par les écrivains de la Beat Generation. Par lesquels plus particulièrement ?
William Burroughs est vraiment celui qui m’inspire le plus.
Plus qu’Allen Ginsberg et son univers musical ?
Sur un plan musical, celui qui était le plus exposé était Allen Ginsberg, aussi parce qu’il était très militant et il a été sur le devant de la scène assez longtemps. Burroughs est revenu et est disparu avec ses problèmes de drogue. Mais dans les styles de musique que j’écoutais, notamment dans la musique industrielle et expérimentale, William Burroughs était cité tout le temps. Il a participé à des enregistrements. Je recommence à le lire mais en anglais, et dès que je le lis, c’est comme si ça parlait à mon cerveau directement. Je suis arrivée à des conclusions un peu inquiétantes. Là, quand on lit Burroughs maintenant, ça vieillit très bien mais on a l’impression d’assister à une espèce de course sur un univers parallèle qui existe et qui continue à vivre.
Il y a aussi l’intérêt de Burroughs dans l’écriture automatique, c’est quelque chose qui t’intéresse aussi chez lui ?
Oui, le cut-up. Cette idée d’écriture un peu perméable me plait. Burroughs en avait une vision occulte et c’est ce qui me passionne. Il disait vraiment que c’était une manière, notamment en prenant des coupures de journaux, de reconfigurer le réel. Que c’était pour se protéger d’une malédiction. Quand il a étudié l’Egypte ancienne, il est tombé sur des manuscrits, et en les traduisant, il s’est aperçu qu’il a traduit une formule sorcière, un avertissement contre un esprit démoniaque et il pense vraiment avoir été possédé à ce moment-là. Il estime que sa littérature, c’est un peu un combat contre ce démon intérieur et qu’il ne pouvait se protéger de cet envoûtement uniquement en modifiant le réel et en contournant ce code-là par l’écriture.
Donc Burroughs, ce n’est pas vraiment une écriture automatique, et ce n’est pas du tout une écriture esthétique. C’est assez surprenant d’ailleurs. Je le trouve différent des surréalistes, ce n’est pas comparable. D’ailleurs, on se demande quelles étaient les influences de William Burroughs dans l’écriture. On voit finalement qu’il y a des écrivains français, mais on voit qu’il y a plus des histoires de l’américain, des histoires de vagabonds, ce qui le fascinait vraiment. L’écriture de Burroughs m’a vraiment formée, j’ai découvert ça à quinze, seize ans et c’est un point de non-retour. Alors évidemment l’aspect drogue m’a énormément fascinée, c’est le moment où j’ai essayé toutes les drogues possibles, très jeune. Mais ce qui est une chance parce que quand j’étais confrontée à des milieux où il y avait beaucoup de drogue, je savais déjà ce qu’il ne fallait pas faire. Ça m’a aidée.
D’un autre côté, concernant mon parcours de transition, je ne suis pas venue par l’écriture militante ou post-féministe, j’y suis venue par la science-fiction via Burroughs, Georges Bataille ou ce genre-là. J’ai toujours été dans les circuits parallèles.
Et les autres auteurs de la Beat Generation ?
Je trouve Ginsberg magnifique. Pendant les arrangements et les enregistrements, j’ai lu Satori à Paris de Kerouac, j’ai relu Festin Nu de Burroughs en anglais, et surtout, j’ai lu Grégory Corso, moins connu. C’est troublant, car j’avais écrit un poème que j’ai tenté d’adapter en chanson et c’est devenu The Flesh Fortress. J’étais assez fière car j’avais réussi à adapter rapidement un poème en chanson et l'éditrice (Marie-Laure Dagoit), qui édite toute la Beat Generation en français et avec qui je travaille, m’a prêté un bouquin de Corso en relisant mes textes, et c’est vrai qu’il y a des similitudes fortes dans l’agencement.
Cassady, je ne l’ai pas lu, mais on le retrouve dans un personnage de Kerouac dans Sur la Route ou encore le personnage du chauffeur de bus complètement fou dans Acid Test de Tom Wolfe. J’adore ces figures-là, ce sont vraiment mes héros.
Pour revenir à l’album, King Felix est sorti en vidéo récemment, où a-t-il été tourné ?
Il a été tourné à différents endroits. Ce qui m’intéressait, c’est d’avoir un monde en friche. J’étais dans des problématiques hospitalières et médicales, donc je n’ai pas trop géré. Mais quand j’ai vu le premier rush, c’était magnifique.
Tu as participé à l’écriture de cette vidéo ?
Dans mes indications, j’avais dit que je voulais ressembler à Miss Bolbec, c’est tout ce que j’ai dit (rires). Ça a été tourné un peu en Bretagne, un peu autour de Paris et dans l’Eure. Ce qui est assez magique, c’est que Mickaël, qui a tourné le clip, je ne sais même pas s’il a regardé les visuels que je faisais quand j’étais à l’Ecole d’Art. Il a vraiment su capter ce qu’il y avait dans ma tête et dans ma musique et a su capter également l’univers des musiciens et ce qu’il représente. Il a fait un boulot admirable. C’est difficile, parfois on voit des clips très beaux qui sont faits pour des groupes, mais ça ne leur correspond pas du tout.
J’ai des idées pour le prochain clip. Ça va être notre claviériste – elle est aussi vidéaste – qui le fera. Elle avait fait le clip de Ghost et elle devrait faire la suite. J’aimerais aussi beaucoup retravailler avec Mickaël.
Le peu de fois où j’ai pu être mise en scène en vidéo, on m’a dit que j’étais un peu narcissique, donc j’ai réagi par la provocation : plus de clip, plus de photo, plus rien. Il y a un trou dans la vie de Ellah a. Thaun : je fais de la musique mais il n’y a pas eu de photos et de clips pendant quatre ans. Maintenant, étant donné que je traverse un bouleversement physique, je trouve intéressant de documenter ça, je suis plus à l’aise et parce que j’ai vieilli. J’ai écrit un texte récemment sur la place des femmes dans la musique. Je ne peux pas être un trophée érotique pour cette scène-là mais je ne suis pas non plus militante ou plutôt je pense que je le suis tellement que je ne le suis plus.
Mais tu revendiques le LGBTQI et le queer plus particulièrement ?
Je revendique le queer, mais au sens de Burroughs lui-même qui avait sa phrase parfaite dans laquelle il disait qu’il croyait au droit de chacun de s’occuper de ses propres affaires. Il a refusé toutes les manifestations auxquelles Ginsberg allait parce que lui, il était juste inquiet pour les jeunes et je le suis. Ce que je crois, c’est que dans la vie, on peut être plein de choses différentes, intellectuellement, politiquement. Ce n’est pas grave ça. Mais le message que l’on doit donner aux gens, c’est, soyez différentes choses, même contradictoires. Mais je ne supporte pas l’idée qu’on en fasse une étiquette. Je n’ai pas fait tout ce parcours-là pour m’enfermer. Mais c’est difficile de me situer à ce niveau-là parce qu’on va dire que je ne corresponds à rien.
Donc, le clip de Mickaël arrive à dire quelque chose sans message. Car sur l’album, il n’y a aucun message dans notre musique, les gens se débrouillent avec. C’est ça qui est important, il faut laisser aux gens et ils prennent ce qu’ils doivent prendre. Le clip arrive à faire ça et on verra pour le prochain.
C’est vrai qu’on peut interpréter le clip comme on veut. Il y a des moments où c’est très lynchéen…ça n’a pas de sens mais ce n’est pas gênant.
Ça demande un effort aux gens pour rapiécer aussi. Quand on est ensemble avec le groupe, on rigole beaucoup. On a toujours plein d’idées et parfois ce sont des choses qui ne sont pas possibles en réel. Ce qui est vraiment intéressant, c’est d’avoir quelqu’un avec une caméra et qui dit on tente, mais sans tomber dans la parodie ni dans le conceptuel. C’est le problème avec l’art actuellement, cette autodigestion permanente. Pour moi, l’art contemporain c’est l’aspect ludique et déconnecté du sacré. Quand le sacré est récupéré, ça ne peut être que de l’art brut. La spiritualité est quelque chose qui m’a vraiment influencée dans l’écriture du disque. Je ne suis pas convertie, mais je suis l’extrême inverse d’une athée. Pour moi, tout est régit par l’invisible.
Vous avez récemment repris les concerts, il y a eu une première date à Lorient il y a quelques jours.
Pendant la pandémie, on a bossé séparément, on a fait aussi La Station à Paris en 2020. Il y avait plein de gens mais c’était bizarre parce que c’était en journée et masqué. J’ai clairement refusé des concerts assis. Ça n’avait pas de sens, même si pourtant financièrement c’était la merde. Là ça a repris en groupe et puis on a une tournée de sortie d’album qui doit correspondre à peu près à une semaine de concerts par mois.
Et après, les festivals également ?
Oui sachant que pour moi, ça ne m’intéresse pas de jouer à 14h. Je sais qu’on aura des plans comme ça mais ça ne correspond pas à ce que je fais artistiquement. Là j’assume mon côté princesse. Je pense que quand on accepte ce genre de plans, après on nous propose que ça. Ça c’est fini, j’ai pris trop de risques. On va défendre l’album jusque mi-octobre je pense.
Les prochaines dates qu’on peut annoncer, ce sont lesquelles ?
Il y a la release party au 3 Pièces à Rouen le 3 mars, le 4 mars à la Station à Paris, le 5 mars à Evreux au Kubb avec You Said Strange. En avril, on a le Jardin Moderne à Rennes le 23 et le 24 peut-être Caen. On a encore Paris avec des groupes de hardcore au Cirque Electrique et je suis hyper heureuse d’avoir cette date. On a aussi quelques festivals qui s’annoncent dans le sud fin juin.
Ellah a. Thaun
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Copyright photo : Michael Leclere et François-Cédric Delahaye
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