Violet Indigo, avec Fishtalk, fait partie des deux lauréat·es normand·es des iNOUïs à représenter la Normandie au Printemps de Bourges Crédit Mutuel cette année. Elle sera sur scène le mercredi 19 avril et effectuera toute la semaine Les Classes Vertes en compagnie des autres lauréat·es des iNOUïs. Rencontre avec Laïla qui nous parle de son projet et qui revient sur les auditions qui ont eu lieu au Tetris en début d’année. Elle nous parle aussi de sa préparation et de ses attentes quant à son passage à Bourges.
A un peu moins d’un mois de Bourges, comment abordes-tu cette échéance ? Est-ce que tu es stressée, ou au contraire, es-tu sereine ?
Sincèrement, je me sens beaucoup mieux qu’au tout début de l’annonce, parce qu’au début, je recevais une montagne de mails et même de propositions de gens. Ça m’a un peu mis dans le viseur pour certaines choses, et j’ai commencé par être stressée. Mais heureusement, grâce au 106, au Tetris, à Gaël Lecoeur qui m’aident à ce niveau, même si rien n’a changé dans le fait de recevoir beaucoup de mails, j’ai accepté la situation. Je me rends compte que les choses sont prises en charge, les gens ont vraiment hâte de retravailler le live.
Dans quelle mesure Le 106 et Le Tetris t’accompagnent pour ta préparation à Bourges ?
Avec Le 106, je bosse le live, le slap et les sessions Ableton avec Arthur Lombard. Le Tetris m’accompagne avec une bourse parce que j’ai envie de rajouter un technicien lumières, et il y a les déplacements à prendre en compte. J’aurais également pu faire une résidence au Kubb, mais j’avais déjà booké ça au 106. Ça me fait vraiment plaisir de me sentir accompagnée par des SMAC en Normandie, ça ne m’était pas arrivé quand j’étais à Paris. Ça fait vraiment du bien. J’ai l’impression qu’il y a plus un esprit de communauté autour de la musique ici, peut-être parce qu’il y a moins de demandes aussi. Mais ça se passe très bien en tout cas.
Juste avant les auditions au Tetris, Fanny Corral, directrice du Kubb soutenait vraiment ton projet en espérant qu’il soit retenu pour Bourges.
J’entends plein de bonnes choses de sa part et j’adore Fanny et tout ce qu’elle représente, sa décision de reprendre à zéro la programmation d’une SMAC à Evreux. Un œil assez frai et nouveau, c’est tout à son honneur.
Es-tu également entrée en contact avec d’autres artistes qui sont allés au Printemps de Bourges les années passées ? Je pense notamment à Museau qui était lauréate des iNOUïS l’an passé.
Dès l’audition au Tetris, on s’est vus avec Gaël Lecoeur et Museau pour parler de comment ça s’était passé pour elle et comment ça pourrait se passer pour moi. Il y a quelques jours, j’ai également croisé Lotti. On s’échange un peu les conseils.
Lors de la soirée de présentation et du cocktail pour le Printemps de Bourges, il y avait Silly Boy Blue et le chanteur de Last Train qui nous ont fait un retour de leur expérience. C’était assez intéressant, juste pour voir que ça allait être très intense.
Comment as-tu abordé les auditions pour les iNOUïS ? Vous étiez cinq à vous présenter devant le jury au Tetris (Violet Indigo, Agathe, Dead Myth, Bad Bad Bird et Anthéna).
J’avais déjà un live de prêt, ce qui était rassurant. C’est le 106 qui m’a poussée à inclure une scénographie. C’était vraiment cool car j’ai pu bosser avec des plasticiens et on a créé un bureau aménagé et une arche avec beaucoup de récup et de produits réutilisables. C’était un peu mon premier step de professionnalisation, car je n’aurais jamais pensé à faire une scénographie. Malheureusement, lors de l’audition, les lumières n’ont pas trop mis en valeur la scénographe. Ça met quand même un pied dans l’univers que j’essaie de mettre en avant.
Ces auditions, c’était peut-être un de mes meilleurs concerts parce que par mon attitude, j’ai renvoyé beaucoup au public. Je peux parfois un peu me renfermer sur moi. Aux auditions, ce n’était pas le cas, et je pense que c’est ça qui a beaucoup plu, parce que je n’avais vraiment pas peur de regarder les gens, d’interagir. Comme je fais de la musique en anglais, c’est plus dur pour que les gens comprennent ce que je dis, donc j’accompagne les paroles de mouvements imagés. Je me suis juste poussée à être un peu plus pro et à faire le truc à 100%.
Sur ta prestation lors des auditions, tu évoluais sur un petit espace que tu avais vraiment l’air de maîtriser, entre les passages où tu étais derrière tes machines et ceux où tu étais face au public. Il n’y avait pas de temps morts par exemple. C’est quelque chose que tu avais particulièrement travaillé ?
Oui, carrément. Comme je suis DJ, j’utilise un logiciel de DJing qui s’appelle Traktor. J’avais fait ce live six mois avant dans les SMAC en Normandie. Tout s’est ajouté petit à petit, j’ai mon contrôleur SP-404. Par contre, ça va un peu changer pour Bourges, parce que même si les mouvements sont maitrisés, je trouve que parfois, dès que je dois passer derrière la table, je me retourne et je perds ce truc avec le public. Donc en ce moment, je suis en train de bosser sur une session Abelton Live pour qu’il y ait des choses qui se déclenchent toutes seules et pour que je sois plus libre. Je voulais vraiment inclure ce « bidouillage », même si ce n’est pas le meilleur mot. Je suis seule sur scène, et souvent dans la pop c’est très backing tracks dans le sens où il n’y a pas vraiment de transition… je voulais quand même mettre en avant le côté DJing et prouver que j’avais des trucs à faire, que je n’étais pas qu’une voix.
Dans une live session et une vidéo « Move U », il y a un groupe derrière toi. Est-ce que tu vas à nouveau faire ce genre de session et cette configuration de concerts ?
Pas pour l’instant, mais au début c’était mon envie, parce que je voulais vraiment faire un truc à l’américaine et un peu jazzy. Mais la chose la plus difficile, c’est de trouver cinq cachets pour des musiciens intermittents quand on n’a pas un projet qui peut se le permettre. On se retrouvait trop à faire des petits leads alors qu’on aurait dû enchainer les dates, mais ce n’était pas possible à ce niveau. Je viens du milieu du jazz mais je veux un peu m’en décoller parce que j’ai d’autres intérêts musicaux. Mais par contre, dès que j’ai plus de budget, j’espère pouvoir inclure des gens sur scène. On m’a un peu reproché de ne pas le faire, et la première personne que j’ajouterais, ce serait du backing vocal. Avec deux voix, il y aurait des trucs intéressants à faire. Et si un jour ça tourne très bien, un vrai backing band avec des arrangements à la fois électro et jazzy. Mais pour l’instant je me focalise sur le live solo pour garder les rênes (rires). Quand il y aura de nouveaux morceaux, peut-être qu’on fera appel à d’autres personnes.
Comment définis-tu ton esthétique musicale ? Sur le site du Printemps de Bourges, tu es classée dans la catégorie « Alternative ».
C’est un terme un peu bâtard, dans le sens où ils ont peut-être mis des choses « indéfinissables », des musiques de niche dans cette catégorie. Pour moi, c’est un compliment. J’aime bien penser que la musique que je fais ne ressemble pas à celle que fait tout le monde, surtout pour le live, parce que les morceaux sur les plateformes sont R’n’B assumés.
Je décrirais mon projet comme de la pop, je joue des morceaux avec des mélodies et des trucs qui restent dans la tête. Mais je pense que ce qui rend ça alternatif, c’est l’hybridation que je présente entre tous les genres musicaux, comment je les amène. Et comme je passe par beaucoup de genres de musiques électroniques par exemple, c’est très dur de mettre juste un nom. Electro-pop, je ne pense pas que ça me définirait non plus, mais j’aime quand même dire que je fais du hip-hop R’n’B avec des touches d’électro.
Le nouvel EP sera beaucoup plus éclectique au niveau des sonorités, toujours un peu pop et R’n’B dans les mélodies, mais avec des prods plus travaillées, plus électro et qui prennent un peu plus de risque.
Sur le set que tu as fait pour les auditions aux Inouis, c’était très R’N’B au début et ensuite, c’est plus parti vers l’électro.
Oui, j’ai commencé par « Move U » qui pour le coup est le morceau le plus jazzy qui ne ressemble pas du tout au dernier morceau que j’ai joué sur le set. Il y a une sorte de narration, et comme dans mes sets de DJ, j’aime bien monter en énergie.
Tu parlais tout à l’heure d’un futur EP. Il est en préparation actuellement ?
J’espère qu’il sortira pour l’automne 2023. Ce sera un EP 5 titres, avec un single « See You Now » qui va sortir juste avant Bourges le 14 avril. C’est un morceau qui s’appelle « See you now » et c’est vraiment un morceau qui ne ressemble pas du tout à ce que j’ai fait avant. Je n’aurais jamais pensé faire un morceau comme ça. Ça ne vient pas d’une blague, mais presque. Au final, c’est tubesque on va dire.
Sur l’EP, j’ai collaboré avec Caramilk qui a des inspirations un peu à la Steve Wonder ou Tyler The Creator, du hip-hop mais avec des accords jazzy. On n’est pas du tout sur de la neo-soul.
J’ai collaboré également avec Dim Raw avec qui j’ai fait deux morceaux et que j’ai rencontré au Conservatoire de jazz à Bobigny. Il produit maintenant plus pour du rap français mais ne vit plus en France.
Il y a aussi le dernier morceau de l’EP que j’ai produit avec un producteur de jungle, et donc à fond dans ce style de musiques électroniques.
Pour cet EP, il y aura plus de titres que pour le précédent, les thèmes seront plus diversifiés et pas seulement sur l’amour et le rejet (rires). Il y aura un peu plus de remise en question, de retours à moi-même et des thèmes avec lesquels tout le monde peut s’identifier. Je suis en train de le mixer en ce moment et j’aime beaucoup cette partie parce qu’au mixage, on peut prendre des risques. Je tends vers un truc hyper pop avec des prises de décision radicales où tout d’un coup c’est crushé, il y a beaucoup de réverb. Des trucs vraiment modernes et pas trop linéaires.
Des morceaux de cet EP seront joués à Bourges ?
Oui. En fait, dans mon live, la moitié des morceaux ne sont pas sortis. Ce sera le même live que pour les auditions. De toute façon je n’ai pas le droit de changer le set, je vais juste changer la fluidité de l’enchainement des morceaux.
Ton passage à Bourges est le 19 avril à 23h. est-ce que tu connais les autres groupes et artistes qui passent le même soir que toi ?
Je connais Fishtalk parce que c’est le groupe qui a été sélectionné avec moi pour la Normandie. Je connais un peu de nom Alexi Shell parce qu’elle vient de Paris et on connait des gens en commun. Sinon, la personne que je connais très bien, Théa, joue le lendemain. Elle décrit son projet comme de l’emocore et ça a l’air de balancer en live et j’ai hâte de voir ça. 47 Miaou qui est du hip-hop R’N’B a l’air vraiment cool aussi.
C’est drôle, parce qu’il y avait des groupes, qui je pensais, allaient être sélectionnés mais qui n’ont pas été pris. J’ai l’impression qu’ils ont choisis des artistes plus hybrides cette année. Il y a vraiment de tous les styles, et c’est vraiment bien.
Il va y avoir les Classe Vertes bientôt, ça commence quand exactement ?
Ça commence le lundi 17 avril, ça dure toute la semaine, et ça se passe tous les matins. Il y a beaucoup de cours ou d’interventions de la part de professionnel sur différents thèmes liés aux musiques actuelles. Il y a par exemple l’intervention d’une éditrice qui dit qu’on peut avoir des stratégies en tant qu’artiste indépendant, qu’on peut monter son propre label et faire les choses de manière intelligente sans nécessairement se faire avoir sur des contrats. Il y a des cours qui nous expliquent à quoi servent un éditeur ou un manager. Ce sont des choses auxquelles on sera confrontés très vite.
Les Classes Vertes sont une superbe initiative, et je pense que leur but, c’est également qu’on apprenne à se connaître entre artistes.
J’espère pouvoir ensuite trouver un tourneur et un éditeur et avoir quelques réponses à mes questions, sur les labels notamment. Un label peut apporter beaucoup de choses., tu peux avoir une identité, tu peux rencontrer d’autres artistes de ce label, et surtout, il investit sur ton projet. Le but pour moi est d’avoir mes masters, je n’ai pas envie de revendre mes droits comme ça librement et surtout me retrouver dans des avances impossibles à gérer. On ne sait jamais ce qui peut se passer, le projet peut ne pas aller plus loin que ça. Si jamais j’ai des propositions de label, je les étudierai, mais j’ai surtout envie d’avoir mon intermittence, d’avoir un tourneur, faire de belles dates, que ce soient des premières parties dans de grosses salles ou juste avec des artistes qui me ressemblent. J’ai envie de tourner en dehors de Normandie et en dehors de France également.
As-tu d’autres choses à rajouter et qu’on n’aurait pas abordées ?
Oui, que la Normandie me traitre extrêmement bien, je suis très heureuse de ça. Je suis arrivée il y a un an et demi. Je savais qu’il y avait MNNQNS et le post punk à Rouen, mais j’avais un peu des réserves quand je faisais des concerts, par exemple au CEM au Havre ou à d’autres endroits, parce qu’ils étaient habitués au rock ; je me disais que les sonorités que je faisais n’allaient pas leur parler. Mais finalement, dans le milieu de l’électro, il y a pas mal de gens à qui ça a fait plaisir d’entendre ces genres musicaux qui sont toujours des niches musicales aujourd’hui. Je suis contente que le projet parle et qu’il soit bien accueilli. Ce n’est pas qu’un truc parisien, et ce qui m’a fait du bien en venant à Rouen également, c’est de sortir de la bulle parisienne où tu penses que tu es le centre du monde alors que pas du tout. Je pense avoir fait plus de rencontres intéressantes à Rouen qu’à Paris au niveau professionnel et des SMAC notamment, et j’en suis vraiment très reconnaissante. Je suis très contente d’être identifiée comme artiste normande.
Justement, à propos de la scène normande, tu parlais de MNNQNS. Y a -t-il d’autres groupes ou artistes avec lesquels tu es proche ?
Je connais Structures. J’aime énormément ce que fait Janvier. J’aimerais beaucoup voir You Said Strange en concert. Il y a We Hate You Please Die aussi. En fait, tout le monde traine un peu au 3 Pièces. Je connais bien Bad Bad Bird également parce qu’on était parrainées en même temps par le 106. J’ai eu l’occasion de rencontrer Brook Line et Ronnie’s Visit également.
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