Le groupe de métal rouennais No Terror In The Bang sort son premier album le 5 mars. Pour la sortie d’Eclosion, rencontre avec Alexis Damien et Sofia Bortoluzzi qui nous parlent d’eux et de l’univers autour de cet album.
No Terror in The Bang est un projet qui a vu le jour en 2019. Comment est-il né, qui en sont les membres et quelle est la répartition en termes de composition dans le groupe ?
Alexis Damien : Le groupe est né de la volonté de Sofia Bortoluzzi (chant) et moi (batterie) de composer ensemble. Nous avons créé un groupe de metal un peu différent. Quelques mois après nous ont rejoint Clément Bernard (guitare), Etienne Cochin (guitare), Brice Bouchard (basse et contre basse) puis Romain Greffe (claviers).
J’ai composé les musiques, Sofia les lignes de chant et les textes. Nous avons décidé ensemble des structures, des ambiances, des directions. Les membres du groupe ont réinterprété quelques passages pour amener plus de "naturel".
Le nom du groupe fait référence à une phrase d’Alfred Hitchcock (There is no terror in the bang, only in the anticipation of it). Pourquoi cette référence et quelles sont les influences cinématographiques (films mais également compositeurs de musiques de films) qui ont accompagné la réalisation de cet album ?
Alexis : J’adore ce nom ! Cette citation a le mérite d’être claire : ce ne sont pas les films les plus "explicites" qui sont les plus effrayants ! Il nous a semblé qu’on pouvait faire la même chose en musique : faire du contraste, et ne pas tout montrer ou faire entendre d’un coup.
Les passages cinématographiques trouvent leurs influences chez des compositeurs classiques et de musique de film : Hildur Gudnadottir, Johann Jóhannsson, Danny Elfmann, Wojciech Kilar…Mais aussi Satie, incontestablement.
Dans mes films préférés : Dracula de Coppola, Arrivals de Denis Villeneuve, Joker de Todd Phillips. J’adore aussi les séries, comme El miracolo, Breaking Bad…
L’album se caractérise par un contraste entre morceaux calmes (notamment le premier Saule Pleureur et le dernier Broken Mind) et morceaux plus violents. Peut-on voir et écouter cet album comme la bande originale d’un film dans lequel l’histoire commencerait calmement pour finir dans une quiétude tout de même angoissante ?
Sofia Bortoluzzi : Oui, nous avons qualifié cet album de "metal cinématographique". Il suit une trame avec un scénario, bien que celui-ci laisse pleinement la place à l'auditeur de l'interpréter à sa guise.
Quel serait le titre de ce film et son histoire ?
Sofia : Ah ah, comme titre j'aurais imaginé par exemple : Fallen into the Nowhere Land. On peut alors concevoir un personnage qui entre dans un univers dark, mystérieux, et qui visite de nombreux sentiers au travers desquels il se perd progressivement jusqu'à sombrer dans le chaos. En tombant dans un gouffre infini, telle une descente aux Enfers, on peut l'associer à Alice in WonderLand, sauf que pour le moment ça finit mal. La suite au prochain album...
Sofia, tu chantes également dans des projets hip hop et de jazz. Qu’est-ce qui t’a fait choisir cette autre esthétique vocale qu’est le metal ?
Sofia : À vrai dire, c'est ma rencontre avec Alexis qui m'a poussée à m'orienter dans cette voie. J'adore écouter du metal, mais je ne m'étais jamais imaginée chanter dans un projet tel que celui-ci. Ce sont également des nanas comme Tatiana Shmayluk ou encore Elena Cataraga qui m'ont donné envie de me lancer dans le chant saturé, car elles sont trop "badass".
Alexis : C’est vrai qu’on sort des poncifs ultra-féminisés du gothique ou du metal féminin épique etc…C’est très différent.
As-tu une démarche particulière concernant la pratique vocale et es-tu suivie par un coach ?
Sofia : Dans le cadre de ma formation professionnelle actuelle, je prends des cours de technique vocale en chant clair, mais pour ce qui est du chant saturé, j'ai dû apprendre en autodidacte. Mais cela aurait été impossible à réaliser si je ne disposais pas déjà d'une base technique solide.
Considères-tu ta voix comme un instrument de musique ? Sinon, quelle en serait ta définition ?
Sofia : Ahaha mais bien sûr que ma voix est mon instrument de musique ! Simplement, il se trouve dans mon corps... Il n'est pas palpable. Les cordes vocales peuvent être apparentées à celles d'une guitare. Le principe est le même : on exerce une pression sur les cordes qui, grâce à cela, vont ensuite vibrer dans une caisse de résonance pour émettre des notes ou des sons voire des bruits !
Ta voix a-t-elle évolué depuis le début de ce projet ?
Sofia : Oh oui ! Ce n'est que depuis quelques mois que je suis capable de screamer ! Plus le maquettage avançait et plus les morceaux étaient énervés ! J'ai dû faire un travail technique proportionnel au gros son qu'il y avait derrière moi...
Alexis : Sofia me parle de Jinger sans cesse…Alors on a tendance à durcir le ton. C’est ce qui arrive quand on écoute un peu de musique extrême. Les autres musiques paraissent souvent trop calmes à côté…Sofia a une façon très originale de placer son chant. Elle est capable d’avoir un flow très rapide, de screamer, et d’avoir des chants clairs mezzo, des voix rocailleuses, bref, tout un panel.
De ton côté, Alexis tu es et as été batteur dans d’autres groupes et projets. Considères-tu No Terror in The Bang comme un projet différent par rapport à ce que tu as pu faire avant ?
Alexis : C’est effectivement un projet qui compte beaucoup pour moi car j’y endosse plusieurs rôles : compositeur & leader avec Sofia, batteur, manager d’une certaine façon, webmaster, graphiste, communicant…C’est la réalité concrète du musicien aujourd’hui : bien jouer de son instrument est un prérequis, mais c’est après que les ennuis commencent !! Cela demande beaucoup de persévérance, de passion, d’acharnement même.
Je pense que ce groupe est écoutable par un public assez large. C’est un metal plus universel. J’ai joué dans des groupes tellement extrêmes que je ne pouvais les faire écouter à mes proches ou amis (Carnival in Coal, Void Paradigm, et même Pin-up went down d’une certaine façon, qui est toujours très écouté dix ans après les sorties des albums). Au moins avec No Terror in the Bang, on peut flirter avec l’extrême sur certains courts passages, mais c’est écoutable par plusieurs générations et par un public non spécialisé aussi. J’ai fait beaucoup de concerts avec des groupes de jazz-fusion, mais il faut bien reconnaitre que cette musique n’intéresse pas grand monde. Je compose également des musiques orchestrales destinées à l’industrie musicale et l’édition. C’est un travail passionnant mais très difficile car on y est solitaire. J’ai retrouvé avec notre groupe le plaisir de construire des morceaux avec des humains ! Et Sofia est très facile et prolixe ! Les musiciens du groupe sont adorables, donc Bingo !
Tu es également enseignant au Conservatoire de Grand Couronne et Petit Couronne. Quelle est ta vision de la scène musicale rouennaise et normande en général ?
Alexis : Il y a depuis une vingtaine d’année un niveau musical en augmentation sur Rouen et la Normandie. Je suis persuadé que c’est dû à plusieurs facteurs.
Tout d’abord, la démocratisation depuis les années 90 des cours de musique (assos / privé / public, conservatoires, etc), estampillés "Musiques Actuelles" ou "Jazz". Que ce soit en "amateur" ou en parcours "professionnel" comme au conservatoire de Grand-Couronne ou de Rouen. C’est un travail de fond énorme qu’il ne faut pas sous-estimer. Je serais d’ailleurs curieux qu’il y ait une étude sociologique sur le parcours de formation musicale des artistes régionaux – je pense qu’on serait surpris. On apprend forcément de quelqu’un ou de quelque chose – l’autodidactie est une illusion. Il y a toujours une transmission de savoir – qu’elle soit institutionnalisée ou confidentielle.
D’autre part, l’émergence des dispositifs d’accompagnement du 106, de La Gare aux Musiques ont consolidé "les mœurs", pour les groupes qui veulent "assurer plus".
En outre, Internet favorise la transmission du savoir et les codes pour y arriver et progresser. Enfin, la baisse des prix du matériel pour s’enregistrer, répéter, ont encouragé les groupes à s’autonomiser et a donc accéléré la production et le savoir technologique. En rock, en metal, les français étaient assez mal considérés dans les années 80 ou 90 – souvent à raison. C’est l’inverse désormais, le pays a réglé la question !
La scène musicale normande est riche et diversifiée, mais on voit bien qu’une carrière sur le très long terme concerne très peu de personnes. Les groupes naissent et disparaissent, on retrouve certains visages…Puis la nouvelle génération arrive et apporte de la fraicheur…C’est le cas de notre chanteuse Sofia qui réveille un peu le schmilblickk, non ?
Durant les périodes de confinement, on a pu assister à une effervescence de la pratique musicale (professionnelle mais surtout amateure) en France. Constate-t-on également un engouement auprès des écoles de musiques, des enseignants de cours particuliers et autres lieux de pratiques musicales ?
Alexis : Les lieux d’enseignement souffrent, comme les associations sportives et autres, d’une baisse d’effectifs. Pendant plusieurs mois, ces lieux ont été interdits aux mineurs. La priorité familiale s’est reportée ailleurs. Personnellement je n’y crois donc pas trop, je pense que c’est un mirage – les gens ont juste profité du confinement pour se filmer. Mais pas pour s’inscrire à long terme dans un processus. J’espère me tromper.
Enfin, pour terminer, vous avez récemment tourné un clip à La Gare aux Musiques où vous avez été en résidence il y a quelques semaines. Pour quel titre de l’album s’agissait-il et quand est prévue sa sortie ?
Alexis : Nous sommes lauréats du dispositif Pop-Up jusqu’en octobre 2021. Comme nous sommes sous contrat d’édition et avec un label, nous avons donc pu bénéficier d’une autorisation professionnelle de résidence. Cela nous a permis d’avancer dans notre Set Live et effectivement de tourner notre premier clip Another Kind of Violence, avec les Maan.
C’est un premier clip qui présente notre univers et le groupe. Nous espérons pouvoir en tourner un autre, plus scénarisé dans l’année. Ce clip sortira au pire début avril 2021, un mois après la sortie de notre album Eclosion.
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