Programmées au Cargö dans le cadre de Ö Estival, Annabella Hawk, Judith$ et Lox’One ont partagé un plateau commun le 26 août dernier. C’était l’occasion de les rencontrer avant leur entrée sur scène.
Pour commencer, quelques mots pour vous présenter.
Annabella Hawk : Je fais ce qu’on peut appeler de la future soul. On peut dire également que je tends de plus en plus vers l’électro. Pour ce live, deux phases de compositions sont réunies. Le projet est né il y a deux ans mais je chante depuis mes 14 ans. Nous jouons surtout en live ces derniers temps depuis que j’ai trouvé les musiciens pour m’accompagner.
Judith$ : Je suis originaire des Comores. Mon projet a environ trois ans, mais ça fait vraiment deux ans officiellement que je commence à mettre des choses sur les plateformes. Je fais des productions et je chante. C’est un projet un peu teinté de soul, de trip hop et de trap. Je chante en français et en anglais.
Lox’One : Je suis chanteuse depuis quelques années. En plus de la musique, je pratique la danse et le théâtre. J’ai travaillé pour beaucoup de gens au niveau national et international. J’avais mon projet perso et solo que je voulais voir naître parce que c’est intéressant aussi de savoir qui on est de ce côté-là. Là je fonctionne avec un set organique où il y a juste une basse, et j’y incorpore les programmations que j’ai vues avec Kaze (c’est une nouvelle collaboration). Je les teste pratiquement aujourd’hui. Ça me plait beaucoup de mettre de l’électro et cette collaboration me permet de le faire. En faisant le Labö , j’ai rencontré Kaze et je me suis dit que ça pouvait être intéressant.
Annabella et toi vous étiez également rencontrées lors de ce dernier Labö au Cargö….
Lox’One : Oui, et d’ailleurs j’aurais bien chanté un morceau à trois ce soir, c’était l’occasion mais avec les vacances on n’a pas eu l’occasion de le préparer.
Annabella : Oui, au Labö on nous a réuni.e.s à six artistes (trois garçons et trois filles) et on devait chanter une composition de chaque répertoire.
Lox’One : En le transformant totalement oui. Et c’était vraiment super.
Pouvez-vous nous parler du plateau qui vous réunit ce soir ?
Lox’One : On est au Cargö, en extérieur avec une petite formule dans le but d’animer un peu cet été dans cette grisaille pandémique. Ça résonne avec des dates dans les quartiers également. Je joue par exemple mardi prochain à la Pierre Heuzé. Je pense qu’il y a aussi une volonté de réunir et de créer des plateaux féminins. Ça a été constaté il y a déjà pas mal d’années que les filles étaient peu présentes dans la sphère musiques actuelles. Et là on sent qu’à la suite de ce constat, il y a vraiment des choses qui sont mises en place et notamment des scènes qui réunissent des artistes féminines.
Il y a notamment une enquête de la FEDELIMA parue en 2019 qui faisait ce constat sur la place des femmes dans les musiques actuelles.
Annabella Hawk : C’est vrai qu’il y a vraiment très peu de femmes.
Lox’One : Je fais partie de groupes de douze personnes dans lesquels je suis la seule femme. Maintenant il y a des femmes qui deviennent techniciennes, mais avant on n’en voyait pas du tout. Je pense que dans la tête des garçons ça change, mais dans la tête des filles également parce que c’est à nous de nous prendre en mains et de nous dire allez, pourquoi on laisserait ça aux garçons… On a aussi une grosse réflexion à mener. Et donc c’est vrai qu’on est passé d’un extrême et qu’on peut passer à un autre extrême, c’est-à-dire avec des quotas. Et c’est un peu triste de se dire ça, parce que ce n’est pas parce que tu es femme que tu fais forcément de la bonne musique… mais bon, peut-être qu’il faut passer d’un extrême à un autre pour que ça s’équilibre.
Annabella Hawk : J’espère aussi qu’un jour on aura des plateaux où on ne précisera pas concert 100% féminin. On ne dit pas concert 100% masculin par exemple. C’est drôle cette question-là en fait.
Lox’One : Mais voilà, on le revendique 100% féminin, parce que c’est encore trop rare.
Annabella Hawk : Ce n’est pas encore commun.
Lox’One : Ce n’est pas commun, et puis il y a une touche particulière qui s’en dégage : dans la créativité, dans l’action, dans ce que ça peut créer sur scène aussi. Une sensibilité différente.
Annabella Hawk
Annabella, tu as joué il y a quelques jours toujours dans le cadre de Ö Estival dans le quartier du Chemin-Vert à Caen. Comment ressent-on le fait de ne pas jouer devant son public habituel ?
Annabella Hawk : Le truc que je trouve cool c’est de pouvoir ramener la musique dans les quartiers parce qu’il y a beaucoup de gens qui ont l’impression que ce n’est pas pour eux. Comme le fait d’aller au Cargö par exemple, de se déplacer, de pouvoir entrer dans ces lieux, alors qu’au contraire c’est accessible. Je trouve ça chouette de faire l’effort inverse, de venir dans les quartiers. On passe un bon moment. Il y a eu aussi un orchestre qui est venu à La Guérinière. Au Chemin-Vert, c’était une fête de quartier avec plein d’assos. On rencontre un public qui ne se serait peut-être pas déplacé jusqu’ici.
Judith$ : Tu as fait beaucoup d’action culturelle avec eux.
Annabella Hawk : Oui, c’est la deuxième année qu’on fait ça dans le cadre de Ö Estival et ça ramène un public éclectique et pas ciblé justement. Et en même temps, on n’est pas là pour faire l’animation du quartier mais jouer sa musique.
Lox’One : C’est aussi repartir un peu à l’essence de la musique, dans le sens ou c’était quelque chose qui se passait dans les quartiers. Je trouve qu’on retourne à la source même du propos musical. C’est vrai qu’on n’a plus l’habitude de ça et de cette proximité directe. Il se passe vraiment des choses assez inattendues. C’est intéressant justement car ça crée du lien.
Annabella Hawk : C’est vrai qu’il y a une vraie proximité, je vois les enfants qui viennent directement vers toi, il n’y a pas de barrière.
Est-ce que vous avez des liens avec certains quartiers de Caen justement ?
Annabella Hawk : Non, je suis caennaise depuis peu, et de base je suis parisienne. Je découvre aussi des quartiers de Caen, mais je suis vraiment dans le centre en fait.
Judith$ : J’habite à Caen depuis deux ans mais je n’ai pas grandi dans le centre, plutôt dans les alentours.
Lox’One : Moi je suis de Mondeville, et j’ai eu la chance de jouer deux fois dans ce quartier au pied des immeubles et c’était quelque chose.
Esthétiquement parlant, votre musique est différente même s’il y a certaines passerelles possibles dans ce que vous faites. Quel serait justement le lien ou le point commun entre vous ?
Lox’One : Je pense que dans la musique, encore une fois, il y a peu de femmes, et le peu de femmes qu’il y a ce sont des femmes avec du caractère. Il faut peut-être avoir un caractère un peu trempé parce qu’il faut se battre, se défendre ou plutôt se battre contre ses propres doutes. Je dirais que ce qui nous réunit, c’est un caractère un peu… voilà… on va de l’avant, on essaie de ne pas se laisser démoraliser dès qu’on a des petits soucis.
Annabella Hawk : C’est vrai qu’il y a un truc un petit peu combattant. On en parlait avec Judith$, un jour on a justement été interviewées sur la question de la « musique féminine ».
Judith$ : Oui sur la place des femmes dans les musiques actuelles.
Annabella Hawk : En fait on se disait que ce qui était un peu bizarre, c’était qu’en étant une femme on avait l’impression qu’on devait venir déjà prête, déjà forte, déjà indépendante…
Lox’One : On se met une pression de folie en fait. Je pense que les hommes ne se mettent pas du tout cette pression.
Annabella Hawk : Ça peut être pourri et on leur laisse leur chance. Nous il faut qu’on arrive direct et il faut que ce soit tout de suite béton armé.
Lox’One : Je pense qu’il y a plein de filles qui ne vont pas au bout de leur projet parce que c’est trop dur de faire tout ce chemin. Et parce qu’elles veulent tout de suite présenter quelque chose et que c’est difficile. Il faut être accompagnée, ce sont des rencontres, c’est un chemin de vie en fait et parfois elles lâchent.
Judith$
Et est-ce qu’il y a des modèles de femmes fortes ?
Lox’One : Ben oui, il y en a plein, c’est que ça en fait. Nina Simone, même Sandra Nkake, on le voit sur scène, ce sont des femmes qui envoient.
Judith$ : Sade.
Annabella Hawk : Toutes les grandes pionnières en fait.
En 2018, Katel, Robi et Emilie Marsh ont créé le label FRACA qui donne une part importante à la place de la femme dans le processus de création et de diffusion. Que pensez-vous de cette initiative ?
Loxe’One : C’est super. Cela fait longtemps que Katel évolue sur la scène des musiques actuelles et elle connait très bien le milieu. Je pense que là où elle en est, elle a envie aussi de passer le flambeau, donc elle se concentre sur un projet comme FRACA parce qu’elle sait qu’il y a un manque à ce niveau.
Annebella Hawk : Ma manageuse, Harmony Suard travaille avec Katel au sein de FRACA et je trouve ça hyper intéressant. Je ne connaissais pas du tout cette histoire de mentorat 100% féminin. Et ce qui est fou aujourd’hui c’est qu’on se rend compte qu’on doit vraiment essayer de s’épauler, de créer une sororité qu’il n’y avait peut-être pas avant, de se dire qu’ensemble on peut aussi le faire.
Le 18 septembre, Lox’One joue au Normandy à Saint-Lô dans le cadre des journées du matrimoine avec HF Normandie. Peux-tu nous en parler ?
Lox’One : Oui, en trio cette fois avec une batteuse et avec une bassiste. J’ai entendu parler de ce projet-là et j’avais envie de le soutenir, d’être présente et qu’on parle de cet élan. C’est avec les Rendez-Vous Soniques à Saint-Lô que j’ai découvert le travail de HF. J’avais participé à une rencontre l’année dernière. Pour ce rendez-vous, il y aura une exposition sur les sportives féminines au Normandy, parce que je pense que la problématique des femmes dans le sport c’est la même que celle des femmes dans les musiques actuelles.
Lox'One
Les confinements successifs et la crise pandémique ont-ils été propices à la création artistique ?
Lox’One : Je travaille tellement pour d’autres personnes sur plusieurs projets que cette période m’a permis de me concentrer sur moi, et quelque part, c’était bien.
Judith$ : Pour moi ça n’a pas du tout été propice.
Annabella Hawk : Ça dépend, un jour oui, un jour non. Il y a quelques titres qui sont sortis du confinement mais non aboutis. On a pris ce temps-là pour bosser sur de nouvelles chansons mais le moral n’était pas non plus au top. On se demandait pourquoi on faisait ce métier, pourquoi on continuait.
Lox’One : Au niveau du questionnement, ça nous a un peu éclairés, mais c’est vrai qu’au niveau de la création pure, on était au ralenti quand même.
Judith$ : Comment écrire sans sortir, sans rencontrer de monde, sans vivre des expériences…
Lox’One : Mais du coup, ça crée peut-être une sorte d’intimité, parce qu’on se retrouve toute seule devant sa page blanche.
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