Focus Music-Box #23 : Aman Dhio

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Février 2022
Focus Music-Box #23 : Aman Dhio

 

Aman Dhio présentera son album les 4 et 5 février à la Bibi dans le cadre des Rendez-Vous de l’Ouïe. Rencontre avec Juliette et Olivier qui nous parlent de leur album et de leur musique.

Aman Dhio est un groupe caennais de musiques traditionnelles de Grèce et d’Asie Mineure. Pouvez-vous nous présenter Aman Dhio et ses membres ? 

Aman Dhio c'est un laboratoire à deux têtes conduit par Juliette Robine et Olivier Riquart (alias Ricardo), tous les deux musiciens chanteurs multi-instrumentiste à Caen. Ça se joue en duo, en quartet, et aussi avec des invités.
 

 

Qu’est-ce qui au regard de vos parcours individuels respectifs, vous a réunis autour de ce répertoire de Grèce et d’Asie Mineure ?

Nous nous sommes rencontrés dans le cadre d'un atelier "Taraf Concentré Sucré" (à  Amavada, Caen), autour de la musique des Balkans et du bassin méditerranéen, animé par Olivier, et Juliette y était participante.
Puis, quelques voyages dans les Balkans et notamment en Grèce, et des stages autour de ses musiques ont fini par nous réunir de façon évidente.  Nous cherchons toujours à continuer à nous former et consolider notre approche de la musique, avec des musiciens venus d'ailleurs, bien que nous pratiquions depuis plusieurs décennies. On n'est pas si nombreux dans la région à faire ce genre de démarche avec la musique, alors il fallait qu'on confronte notre curiosité pour ces musiques si particulières.
 

Vous avez également une formule en quartet. Est-ce le prolongement de la musique du duo ou un projet un peu différent ?

Le duo est une forme extrêmement exigeante qui demande beaucoup de concentration et de rigueur, et ne laisse pas de place à la moindre hésitation. C'est un peu comme un pari à chaque fois, et globalement ça fonctionne bien. Mais d'ouvrir ce projet avec deux musiciens supplémentaires, ça décharge le rôle de chacun, ça permet beaucoup plus de liberté et multiplie les directions d'arrangements. 
 

Image retirée.

Vous définiriez-vous comme un duo de musique traditionnelle ou plus simplement un duo nourri d’influences, d’inspirations au service de votre propre musique ? 

On peut penser qu'au départ on allait plutôt vers un duo de musique traditionnelle, il fallait déjà comprendre et apprivoiser les spécificités de ces styles musicaux, une étape indispensable d'apprentissage et d'imprégnation de ce répertoire nouveau pour nous deux.

Mais au final, ça vient toujours s'additionner avec ce que nous étions avant, avec nos pratiques du jazz, du free jazz, de la pop ou du rock.

Progressivement, nous avons amené de plus en plus nos propres influences, autant sur l'harmonie que sur les structures, parfois avec quelques doutes, des questionnements, mais, on assume pleinement nos apports, et on s'autorise à faire parfois des grands détournements ! 

Souvent il y a un regard figé sur les musiques traditionnelles, comme si elles étaient arrêtées, et qu'il n'y avait qu'une seule façon de bien les jouer. Mais dans les Balkans, comme dans le reste du monde, ces répertoires sont régulièrement repris en funk, metal ou pop, la question ne se pose pas, la musique continue à être jouée un point c'est tout.

Quant à savoir ce qui est notre propre musique, il y a quelque chose de trop prétentieux là-dedans. On fait de la musique, et on essaye de la rendre vivante, voilà tout.

Notre répertoire est essentiellement de la chanson, et les chants que nous choisissons comme base restent néanmoins des chants traditionnels et non des compositions ! Mais les arrangements que nous en faisons les sortent de leurs contextes traditionnels des danses et des tavernes grecques. Une chose est sûre, c'est qu'on ne les jouerait pas pareil lors d'un concert en France, que devant un parterre de danseurs en Grèce.

 

Comment travaillez-vous à partir de ce répertoire : les sources, le travail d’interprétation, la part de liberté créative que vous vous octroyez… ? 

Ça commence toujours par un coup de foudre pour un morceau, une version, une interprétation, puis on cherche un maximum de versions pour avoir un regard à 360 degrés sur le morceau, et on se jette à l'eau.
Selon les instruments que l'on va choisir pour un morceau, on peut ramener des techniques ornementales qui viennent des tziganes de Roumanie, de la musique kurde, turque, ou bulgare, et mélanger tout ça avec des harmonies occidentales.
L'essentiel étant de ne rien s'interdire.

Image retirée.

Les 4 et 5 février, vous jouez dans le cadre des Rendez-Vous de l’Ouïe à la Bibi, en partenariat avec Art Syndicate et Amavada entre autres. A cette occasion, vous partagerez le plateau avec un autre groupe, Mazarski. Avez-vous déjà eu l’occasion de jouer avec eux ou avec certains des musiciens du groupe ?

Nous avons partagé le plateau avec Mazarski en avril dernier à Cherbourg, dans le cadre de résidences artistiques organisées par le SCOP Art'Syndicate en partenariat avec l'Autre Lieu. C'est une idée de la SCOP Art'syndicate de proposer ce double plateau. Les deux univers sont bien différents, mais se marient assez bien pour un voyage "vers l'Est" (...à l'Est de quoi pourrait-on dire...?! )
En tous cas, c'est une jolie idée, nous rejouerons avec ce plateau le 18 février à Saint-Pierre l'Eglise (50) et en avril a priori à nouveau à l'Autre Lieu à Cherbourg.

Ricardo qui a déjà une longue carrière, a joué dans les Frères Nardan, les Muz'nouch a donc joué avec tous ceux de Mazarski ; Juliette, un peu plus jeune, ne les a pas encore tous pratiqués. 

Mais on se connait tous très bien depuis une vingtaine d'années.

 

Pourquoi avoir choisi de jouer en quartet plutôt qu’en duo à cette occasion ? 

En fait, on a cherché à faire un événement de sortie d'album en commun en décembre dernier, et donc avec un concert en duo pour présenter notre album qui est en duo, logique ! Il y a eu la proposition par Julien Costé de la SCOP Art'syndicate de faire ce double plateau avec Mazarski. Mais cela n'a pas pu se faire avec le contexte sanitaire.
Comme on est têtus et qu'on avait vraiment envie de jouer, on a organisé deux concerts de sortie d'album qui ont eu lieu en duo en décembre (au Shadoc) et au El Camino

Par les temps qui courent, on marche sur des sables mouvants... 

Finalement, la soirée avec Mazarski a pu s'organiser, et on en est très heureux ! On avait envie de présenter autre chose, notre quartet, car cela fait maintenant un an qu'on répète et on a envie d'avancer avec ce projet, de jouer et de faire connaître cette nouvelle forme !
 

 

Votre album vient de sortir récemment et fait notamment référence au rébetiko, que l’on pourrait qualifier de blues grec des années 1920. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette musique et sur les autres influences qui composent l’album ? 

Bien sûr. Le rébetiko est une musique migrante, celle du peuple grec qui vivait sur le sol turc et qui a subi un exil forcé. Plus de deux millions de personnes ont été déplacées en moins de trois ans sur ces territoires. C'est une musique ni populaire ni savante, ou alors les deux à la fois. Elle vient de toutes les couches de la population. On y trouve une revendication pour la liberté et l'évocation du déracinement, mais aussi l’alcool, le haschisch, l’amour…
Le premier titre, Kaneloriza, est un chant traditionnel anonyme, pas un "Rébetiko", mais il est souvent chanté dans le répertoire Rébetiko.
Le dernier titre, To Margoudi, est un chant de Thrace, région située aux frontières Grèce/Macédoine/Bulgarie. Ce sont des morceaux bien antérieurs au répertoire rébetiko proprement dit.
Et en concert, on joue aussi quelques morceaux turcs ou kurdes, parce qu'on ne peut pas isoler le rébétiko de ce que fût l'empire ottoman. En plus, ça met un peu d'air dans notre répertoire.
 

 


 

Aman Dhio

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Copyright photo : Samuel Tarin

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