Royal Casino et Gogojuice, groupes de la scène rouennaise, viennent de sortir leur premier EP (Hitchy pour Royal Casino sorti le 16 février 2022 ; Gogojuice sorti le 29 décembre 2021). C’était l’occasion de partager un moment avec eux et de parler de ces deux opus et des prochains concerts à venir. Rencontre avec Loïc (Royal Casino) et Nelson (Gogojuice).
Pour commencer, pouvez-vous présenter nous présenter vos deux groupes ?
Nelson (Gogojuice) : Gogojuice est un groupe de rock garage fondé fin 2017. On est sur une lignée de chansons qui vont rappeler un petit peu les Strokes, Sonic Youth… Donc des sonorités assez acides et brutes. Récemment, il y a eu un changement de batteur : Hugo qui est parti chez MNNQNS a été remplacé par Martin qui a une formation jazz au conservatoire. Entre 2017 et aujourd’hui, il y a eu pas mal de changements : on a changé deux fois de guitariste, on a changé de bassiste. Là je pense qu’on est sur la bonne formation et ça nous permet d'avancer plus vite aussi parce qu’on a une très grande disponibilité : on fait l'équivalent de deux à trois répétitions par semaine.
Dans le groupe, il y a Sacha à la guitare qui a en parallèle son projet de rap. Il y a Nathan qui a aussi d'autres projets et il y a Martin qui a un projet de house. Personnellement j'ai une culture musicale qui s'étend des années 50 jusque les années 2000. Martin est très électro ; Sacha a ses influences dans les groupes rap mais aussi dans les groupes comme les Libertines où Sonic Youth. Nathan est dans le rock progressif des années 60 et 70 comme Yes, Greatfull Dead. Donc c'est bien parce que ça nous permet d'avoir chacun notre identité et quand on la met à profit au sein du groupe, on arrive à faire des arrangements de morceaux qui sont Gogojuice tout simplement et ça sonne très bien. Auparavant, dans la création, j'enregistrais plein de démo chez moi, je faisais tout instrument par instrument et ensuite j'arrivais en studio et je leur disais une fois qu’ils avaient écouté d’essayer de le jouer. Maintenant, les versions démo que je propose aux gars, on les joue et en fait, les parties guitare et basse sont totalement différentes, et c’est bien parce que tout le monde participe au truc.
Une petite présentation de Royal Casino.
Loïc (Royal Casino) : Ce qui est drôle c'est qu'il y a pas mal d'éléments que Nelson a évoqués et qui pourraient aussi être appliqués à Royal Casino. Le groupe s'est formé en septembre 2018. Ce qui explique notre développement assez lent, c'est également un nombre assez conséquent de changements qui ont eu lieu. Au départ on était en trio avec Nelson ici présent qui était à la batterie avant de passer à la guitare. A la base, je viens de la folk et de la chanson française et je me suis intéressé assez tardivement aux autres formes de musiques actuelles, à la pop britannique et à tous les courants qui font l'identité de Rouen et de la scène de musique actuelle en général. J’ai donc débarqué de ma campagne avec ma folk et il a fallu que je m’adapte. Les influences principales de Royal Casino c'est la pop anglo-saxonne et américaine des années 80 (The Smith, The Cure), mais aussi la fin des années 90 avec Radiohead, Jeff Buckley. Et également une influence que j'ai toujours eue mais qui se développe seulement avec le line-up actuel, c'est le rock japonais, surtout la musique qu'on peut retrouver dans les génériques de manga. Les Japonais ont une façon très rigoureuse de composer, en général ils sont très bons en jazz. Même sur les jeux vidéo, quand on écoute la bande-son de Mario Kart on se rend compte qu'il y a des monstres de jazz qui font des breaks de malade derrière.
Concernant le changement de line up, Nelson est passé à la guitare ensuite on a pris un autre guitariste. On a changé de bassiste récemment et là le line up fonctionne très bien. Mario, notre batteur a une grosse formation de jazz mais il est aussi beaucoup dans la folk.
Je crois d’ailleurs que vous avez un projet folk, Mario et toi à côté de Royal Casino…
Loïc (Royal Casino) : En fait à Rouen, depuis à peu près un an et demi, il y a de nombreux projets alternatifs secondaires qui se sont mis en place et dans lesquels les membres de différents groupes se mélangent. Par exemple Mario a un projet de folk avec Nathan, le bassiste de Gogojuice. Il y a plein de projets qui sont interconnectés et ça nourrit les projets principaux.
J'ai l'impression qu'il y a toujours eu ça à Rouen, même chez les générations précédentes.
Loïc (Royal Casino) : Le fait est que la ville n’est pas très grande.
Nelson (Gogojuice) : Et ce sont des lieux qu’on fréquente tous.
Loïc (Royal Casino) : Il y a quelques bars qui sont vraiment des lieux qui accueillent régulièrement des concerts et quand on vient faire de la musique dans cette ville, il n'y a pas 30000 personnes sous la main et, soit les gens sont déjà très occupés, soit ça brasse dans tous les sens. On n'est pas à l'abri d'avoir des membres de groupes qui ont entre cinq et neuf projets.
Je vois par exemple que sur l’EP de Gogojuice, Paul Morvant s’est occupé de l’enregistrement et du mixage, et le mastering a été fait par Robin Plante. Tous les deux ont des projets également.
Nelson (Gogojuice) : Alors Paul était dans Dharma Bum.
Loïc (Royal Casino) : Il est dans Unschooling actuellement.
Nelson (Gogojuice) : Et Robin Plante gère toute la partie ingé son de MNNQNS. Il est également membre de Janvier , il s’occupe de Chien Méchant. Paul et Robin sont de très bons gars, et je pense que le lien qu’on a avec Paul dans Gogojuice va durer. C’est quelqu'un qui travaille bien et on aime bien comment il bosse.
Et pour l’enregistrement de l’EP de Royal Casino ?
Loïc (Royal Casino) : Pour l’enregistrement, ça s’est fait en deux temps. La première partie de L’EP, on l’avait enregistrée quand Nelson était encore là. On les a faits dans mon appartement pendant le confinement avec Paul Morvant qui est venu avec son matériel. On a fait la batterie dans le salon et les amplis dans la chambre et dans les chiottes. Après on a mixé chez Paul et on l'a ramené en master dans un autre studio. Pour l’enregistrement de la trilogie (Rise Above The Dead, Introuble, Troublesome Dusk), c'est grâce à un tremplin qu'on avait gagné à Forges les Eaux en 2019. On a été enregistré dans le studio à côté du casino. On va bientôt aller enregistrer un double single dans le studio où on a fait la trilogie. Mais oui, on travaille souvent avec les mêmes personnes.
Pour Royal Casino et Gogojuice, il s’agit d’un premier EP, même s’il y avait eu quelques singles avant.
Loïc (Royal Casino) : Les singles qu'on a sortis en 2018-19 avec Nelson, on les avait enregistrés nous-mêmes. C'était le moment où on était encore dans l'identité à trois un peu folk et après c'est plus parti vers de la pop progressive, vers un truc un peu plus marqué. L'arrivée d'un quatrième musicien, ça a vraiment changé les perspectives d'arrangement. Sur Short Span, c'est aussi différent parce que c'était un moment où j'ai composé un single folk. Mario vivait chez moi depuis un an et on s’est dit qu’on devait l’enregistrer maintenant. J'ai appelé un studio et j’y suis allé avec Mario. Pendant que je faisais mes prises de guitare et voix, il a composé la gratte, il a enregistré et on l’a sorti.
En ce qui concerne notre EP, maintenant qu'on a notre nouveau bassiste qui vient du metal et du rock prog, notre line up actuel correspond à ce qu’on a sorti sur l’EP, mais par contre en live ça n’a rien à voir. On s'est beaucoup énervés.
Nelson (Gogojuice) : Pour le concert qu'ils ont fait au 3 Pièces le 16 février, ils nous ont appelés en renfort parce qu’un des membres du groupe qui devait jouer avec eux n’a pas pu venir parce qu’il venait d’avoir un enfant. Ce concert était incroyable. J'avais déjà vu le précédent line up mais avec le nouveau, c'est parfait, ça bouge à fond.
Loïc (Royal Casino) : Même si je compose les morceaux et qu’on les arrange ensemble par la suite, je suis complètement ouvert aux propositions. J'ai quand même une idée claire de ce que je veux, mais ce qui compte, c’est que j'aime leur façon de voir la musique. Donc ce n'est même pas une question de faire un compromis. S’ils choisissent de s'impliquer dans le projet, ce projet les absorbe mais c'est eux qui le modèlent. Et chaque fois qu'il y a un changement de line up, le groupe va peut-être reprendre des parties clés sur des morceaux qui sont déjà établis et qui ont un intérêt à rester mais le morceau va quand même potentiellement changer en fonction de la personne qui reprend le pupitre.
Et il peut y avoir de l’impro sur scène ?
Loïc (Royal Casino) : Non pas du tout, les morceaux sont éculés en répétition, on les joue encore et encore. Là où il y a le côté impro c'est quand mon batteur qui est un acrobate va à un moment installer des tempos… là effectivement le bassiste va suivre. Donc oui il y a ce côté où en live ça peut bouger un peu. Mais par contre, dans les structures, dans la façon dont on définit le morceau, l'ordre, c'est très rigoureusement calé.
Nelson (Gogojuice) : Le côté signature sonore est vraiment établi dans les deux groupes en fait, car Royal Casino et Gogojuice existent depuis 2018, ce qui ça nous a vraiment laissé le temps de construire. Là on a trouvé la recette et c'est chouette.
Quels sont les thèmes abordés dans les EP de Royal Casino et de Gogojuice ? Est-ce qu’il y a des thèmes récurrents ?
Nelson (Gogojuice) : Dans l’EP, il y a des morceaux qui vont être tantôt évasion, où on sent un peu cette chaleur de l’été, où il y a du skateboard sur les Sunset Boulvard à San Francisco ce genre de truc, mais il y a surtout des thèmes… un peu de vengeance, un peu de libération, des thèmes de jalousie, d'empathie, de plein de choses en fait. Et aussi beaucoup d'amour. Je pense que c'est un EP qui fait un peu question réponse. On commence par un thème qui est très libérateur, on est dans une évasion et ensuite il y a un thème qui est très dur, froid. Ensuite on passe sur un thème qui est un peu plus psychédélique.
Avec peut-être plus de questions que de réponses à la fin…
Nelson (Gogojuice) : Oui, et c'est chouette parce que dans les derniers morceaux qu'on a enregistrés il y a il y a vraiment des côtés assez frais. L’EP qu'on a sorti en décembre date quand même car ça fait un moment qu'on joue ces chansons, il fallait que ça sorte mais ce sont des thèmes qu'on avait déjà établis il y a trois ans. C’étaient des démos que j'avais faits avec Hugo avant que les autres arrivent dans le groupe.
Et pour Hitchy, l’EP de Royal Casino ?
Loïc (Royal Casino) : Pour commencer, je vais parler du titre.
En fait il y a un triple sens parce qu’on aime beaucoup les jeux de mots chez Royal Casino. Hitch en anglais, c’est la caravane, l’attelage. En fait il y a deux chansons dans l’EP Crab et Childhood Ghost qui sont des chansons que j'ai écrites il y a presque cinq ans maintenant. Ça date du moment où je suis arrivé à Rouen et où justement je me suis immergé dans tout cet univers et où j'ai commencé à composer mes premières chansons. Cet EP est vraiment marquant, je ne dirais pas qu’il est obsolète mais il est vraiment marqueur d'une époque du groupe, parce que c'était le moment où mes chansons folk commençaient à être amenées et à être développées en groupe. Donc c'est pour ça qu'il y a ce côté encore vachement acoustique où on a mis beaucoup de guitare acoustique, de violons. Et donc, Hicthy, c’est l’attelage parce c'est un peu la caravane qui porte mon projet avec des membres qui s'investissent dedans. Il y a des thèmes assez lourds aussi dans cet EP malgré le fait que ça reste assez pop, assez dansant. Hitchy en japonais ça veut dire numéro un. On le voit sur la pochette en haut à droite. La chanson Crab, ça parle du cancer de ma mère avec la métaphore du crabe. Childhood Ghost, c'est la nostalgie de l'enfance dans le sens positif, un peu la Madeleine de Proust : ça parle de ma grand-mère. La Trilogie, c'est peut peut-être le sujet le plus sombre, parce que ça parle d'agression sexuelle et de viol. J'ai mis beaucoup de temps à écrire cette trilogie, tout d’abord parce que ça ne m’est pas arrivé et qu’en tant qu’homme, je ne suis pas le plus confronté à ce genre de problématique. Je l’ai écrit avec une amie qui m’a aidé pour la traduction. La première fois que je lui ai présenté cette trilogie, elle m'a dit que c'était d'une naïveté presque toxique parce qu’une personne qui aurait subi ça et se confronterait à mes textes se sentirait plus desservie que soutenue. Il m’a fallu deux ans pour retravailler les textes et pour représenter à juste titre toute la gravité du sujet. L'idée n’est pas d’être porteur ou défenseur d'une cause pour me donner bonne conscience, c'était un sujet que je voulais aborder.
C’était bien avant #MeToo…
Loïc (Royal Casino) : Oui, malheureusement on est dans un milieu où avec le mouvement Music Too on s'est rendu compte que ce phénomène était particulièrement présent. Je connais moi-même beaucoup de gens à qui c'est arrivé et ça m'a toujours touché profondément. Mais je ne me sentais pas légitime de chanter à la première personne comme si ça m'était arrivé même si c’était quelque chose qui me touchait viscéralement. Donc La Trilogie dans sa conception, c'est décroissant : Rise Above the Dead, c'est le moment où la jeune femme s'en sort et s’arme pour à nouveau affronter la vie. Introuble c'est le moment où il y a toute la colère, toute la rancœur et toute l’injustice qui ressortent. Se dire pourquoi ça m'est arrivé, pourquoi lui s'en sort… Enfin, Troublesome Dusk c'est là le soir où ça arrive. Dans la musique, c'est rendu vachement groovy et funky, mais cette ambiance au début avec juste la guitare et le texte qui est quasiment chanté a capella parfois, c'est vraiment le déroulé d'une soirée avec une ambiance crépusculaire. On ne sait pas encore trop si c'est arrivé dans une soirée arrosée ou si c'est arrivé dans la rue, il y a cette espèce d'entre-deux. Il ne fallait pas non plus que l'exemple soit trop précis.
Les thèmes de l’EP sont assez durs finalement.
Loïc (Royal Casino) : Royal Casino, c’est vraiment ça. On fait de la pop un peu naïve, un peu joyeuse, un peu estivale, mais les textes en général sont assez sombres, toujours un peu piquants. Ces deux visages se retrouvent sur la pochette : c'est bleu clair, après on a la caravane qui est un peu sale, de couleur marron et derrière il y a l'automne. On retrouve quand même la pelouse verte mais il y a cette idée de montrer qu’il y a plusieurs couches.
Donc, tout est très pensé, autant pour les textes que pour les visuels.
Loïc (Royal Casino) : Oui et c'est ça qui prend du temps. Ce ne sont pas des choses qu’on peut forcément développer en concert ou sur les réseaux sociaux. On passe énormément de temps sur des étapes qui nous paraissent cruciales et on met un point d'honneur à faire ça nous-mêmes, à prendre autant de temps qu'il nous paraît nécessaire. Pour le coup, on ne le regrette pas parce que même si ça fait maintenant deux ans qu'on a commencé à faire un EP, je pense qu'on peut quand même être assez fiers du produit aussi bien musicalement que visuellement.
Nelson (Gogojuice) : De notre côté, on travaille sur une pochette d'album qui représente une rue de Rouen et où il y a à peu près toutes les personnes qu'on fréquente et qu'on connaît. Nos amis dessinés et c'est une espèce de méli-mélo un peu comme une pochette de Où est Charlie.
Pour en revenir aux morceaux de l’EP, dans Island, on parle du besoin d'espace parce qu’on est dans un monde qui tourne très vite et dans lequel on ne peut plus respirer. Le besoin d'être juste sur une île, d’être posé et tranquille. Patchouli, c'est un morceau en fait qui est assez expérimental et psychédélique. Paranoïa est un morceau qui parle des dangers de la rue avec la mère qui dit « fais attention, ne rentre pas trop tard » et le père qui dit « il faut se battre, il faut se défendre ». Gany parle de mon meilleur ami Martin qui joue dans The Foam Artifact. Ça parle d'un séjour qu'on avait fait à Londres. Ensuite il y a Empty Space qui fait référence aux morceaux rock expérimentaux des années 60 70, ce que j'écoutais quand j’ai commencé à créer le groupe. Dans cette chanson il y a vraiment le côté de ballade, c'est un morceau cosmique qui parle de l'immensité de l'espace et du fait qu'on est insignifiant, qu'on est tout petit. Y On The Run parle d'un couple qui est fou amoureux et qui veut s'en aller, tout laisser derrière sans demander la permission à leurs parents. Il y a d’autres morceaux qui sont en préparation et qui seront dans le prochain EP.
Est-ce que comme pour Royal Casino, les morceaux sonnent différemment sur scène, ou est-ce que c’est fidèle à l’EP ?
Nelson (Gogojuice) : C'est pas vraiment fidèle… enfin la composition est identique. Sur l’EP qu’on vient de sortir, c'étaient les anciens membres qui jouaient. On a dû retravailler ça pour avoir la même identité. Quand on le joue en live, il est beaucoup plus agressif. Sur le prochain EP, on travaille sur un son qui va être peut-être plus pop tout en étant moins pop… on va avoir des morceaux qui durent 6 à 7 minutes, mais aussi des morceaux qui durent 2 minutes et qui sont très pop. Pour le son, on voulait avoir une touche de modernité et c'est pour ça qu’on a un peu l'impression d’être dans une boîte. Pour le deuxième, on va faire un truc totalement différent. On a enregistré le premier au Studio Quasar à Rouen et c'est full analogique. Robin Plante quand il a fait le mastering, nous a demandé si on voulait que ça sonne moderne ou que ça sonne vintage et on a choisi moderne pour des titres qui sont déjà vintages.
Loïc (Royal Casino) : Je pense qu'on est d'accord sur cette vision-là. Il y a beaucoup de musiques modernes qui se lancent à fond dans le lo-fi, et je pense que notre carte à jouer c'est de faire le contraire. C’est notre façon de composer de la musique, notre façon de l’écouter. On n’est pas enfermés dans nos carcans et ça ne veut pas dire qu’on n’est pas ouverts aux productions récentes. Mais il y a eu une grande recrudescence de l’Indie ces dernières années et je pense que le marché du lo-fi est surchargé. Maintenant ce qu'il faut faire c'est reprendre peut-être une genèse un peu vintage à l'ancienne, mais être parfaitement au courant et faire usage des techniques de mixage modernes, ne pas avoir peur d'avoir des sons clean.
Vous avez travaillé comme on l’a vu avec Paul Morvant de Unschooling qui est un groupe à fond sur le lo-fi…
Nelson (Gogojuice) : Je crois qu'ils enregistrent au Plancher, un studio dans l’Eure dans lequel ils ont leur matos, ils ont des bandes magnétiques, ils travaillent sur des fostext à 16 pistes, ils enregistrent sur cassette. Ils ne travaillent que des trucs comme ça et ensuite c'est le mastering qui est fait qui donne touche. C'est carrément vintage, on a l'impression que c'est un groupe qui sort des années 80 alors que c'est actuel. C’est bien mais il faut faire gaffe aussi de ne pas trop toucher sur la patte du lo-fi parce qu'en fait on dénaturalise le son. Nous, c’est pas vraiment ce qu’on veut.
Loïc, tu me parlais tout à l’heure avant le début de l’interview d’un clip en préparation. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Loïc (Royal Casino) : Oui, il doit sortir mi-mars et ce sera le morceau Crab. C'est pas celui que je pensais clipper au départ. L'année dernière on avait fait tout un truc pour Cowboy avec des drones, on s’était vraiment pris la tête avec cinquante personnes sur le plateau et en fait ça n’a pas du tout été fait… Pour un premier clip c'était complètement abracadabrantesque et au final on s'est réduit à faire des choses beaucoup plus simples. Ce qui est intéressant c’est que ce morceau est un des plus pop et folk au début mais en fait c'est celui où il y a le plus de variations et le plus de changements.
Ce morceau sonne quand même assez rock à certains endroits…
Loïc (Royal Casino) : Oui, en fait quand je dis pop, c’est pas de la pop électro. Pour moi pop, c’est Jeff Buckley. Il a toujours flirté de manière assez insolente avec le rock progressif. Mais c'était parce qu'il gardait quand même relativement sa voix très clean il y avait des envolées aériennes qui équilibraient un peu le tout. Mais là, surtout depuis le changement de line-up, à la section rythmique, ça tabasse dur en faisant du Yes. Donc, là on n’a pas le choix, je pense que ça va devenir du rock progressif. Tout ce que je peux faire dans cette direction de rock progressif qui m'échappe c'est de dire OK on fait du rock progressif mais je veux du rock progressif japonais. Donc je vais te montrer… on a deux minutes.
Un visionnage en exclu…
Nelson (Gogojuice) : Je ne l’ai pas vu non plus…
Loïc (Royal Casino) : On a tourné ça un peu partout. L’inspiration, c’est un peu Everytime de Boy Pablo, le truc qu’on joue débranché avec le soleil dans la gueule… Il nous reste juste la dernière partie à faire.
Qui a tourné ces images ?
Loïc (Royal Casino) : Des copains, Antoine et Tobias qui depuis des années filment des trucs. Dans la bande de copains c'est toujours les gars qui prenaient la caméra en soirée. Ils se sont toujours amusés à faire des montages délirants, des photomontages. Ils ont notamment filmé et fait un montage pendant le concert 106 XP à Rouen. J'ai trouvé ça vraiment géniale leur façon de voir l'image, d'insérer des trucs. Ils ont fait aussi la dernière vidéo, le concert du 16 février. Ils ont aussi réalisé le clip du groupe de Sacha dont Nelson parlait tout à l'heure. En fait, leur but c’est ça, ils ont des compétences, ils ont monté leur compte de leur profil Instagram et ensuite ils monteront une structure administrative. Ils veulent développer la vidéo en faire quelque chose de plus pro. Ils sont suffisamment rodés en amateur pour se lancer. Le but aussi c'est qu'on soit un peu leur vitrine et qu’ils puissent développer leur activité. Ils se diversifient à fond, ils ont fait un clip de rap, ils peuvent faire de la publicité. Ils sont hyper polyvalents et ils ont plein d'idées.
Et pour Gogojuice, il y a bientôt un clip de prévu ?
Nelson (Gogojuice) : On a une idée de clip qu'on va sûrement tourner avec des étudiants du BTS audiovisuel de Corneille à Rouen. Petite exclu aussi, ce sera un clip qui ressemble un peu à des films policiers, des polars des années 70, extérieur nuit sous la flotte.
Polar à la Abel Ferrara ?
Nelson (Gogojuice) : Ouais… je pensais même à Buffet Froid en fait… ce côté très froid pour un des morceaux qui est dans l’EP. Il y a la possibilité aussi de faire des clips sur Rennes où on a deux trois contacts qui veulent travailler pour nous aussi. Depuis qu’on a une manageuse avec nous, Karelle, on avance à 2000 à l'heure. L'idée c'est de se rapprocher le plus de Rennes parce qu’il y a les Transmusicales, il y a beaucoup de choses là-bas.
Loïc (Royal Casino) : Ouais on joue le même jour. C’est un bar qui est un peu aussi en lien avec les Transmusicales.
Nelson (Gogojuice) : Pour Gogojuice, l’idée c’est de viser les Transmusicales. Avec Karelle, on est d’accord là-dessus, il faut jouer le moins possible à Rouen et essayer d’aller partout. Rennes c'est une très bonne étape, Caen aussi est une très bonne étape, les grandes villes de Normandie et de Bretagne, il faut les viser à fond. On enregistre en studio aussi à Rennes en mai pour le deuxième EP. On enregistre au Ballon Farm, un studio assez réputé à Rennes.
Certains groupes normands, notamment de Caen ont de très bons rapports avec la Bretagne également.
Loïc (Royal Casino) : Rouen, c’est pas facile pour s'y installer en tant que résident. Il a fallu qu'on bataille quand même. Le 106 est très bienveillant, mais pour se faire sa place… Ça fait quatre ans que Royal Casino existe et ça fait seulement un an et demi, deux ans qu’on arrive à jouer régulièrement dans les bars et qu’on commence un peu à être reconnus…c'est pas simple. Ça a été bien de faire ses armes à Rouen d'un point de vue compétition parce qu'il y a des groupes très implantés et il faut se bouger pour se faire sa place. Mais maintenant que les projets sont développés il faut qu'on les exporte ailleurs.
Nelson (Gogojuice) : J'ajouterai aussi que récemment on a entendu dire à Rouen que musicalement, il n’y a rien…
Loïc (Royal Casino) : Alors là tu t’avances…tu dis ça mais c'est parce que tu ne connais pas le rap, parce qu'il y a plein d’autres scènes aussi …
Nelson (Gogojuice) : Ouais, sur la scène rock et rock progressif, il n’y a plus grand chose au final. Il y a eu un essoufflement je veux dire, il y a eu un gros creux surtout avec le COVID qui a bien gelé la scène rouennaise. On nous a dit à nous, que ce soit Royal Casino ou Gogojuice ou d’autres groupes de foncer. Il y en a quelques-uns comme ça qui méritent vraiment de jouer partout ailleurs.
Loïc (Royal Casino) : Nous on a eu l'occasion de faire un tremplin à Lyon. Le public était vachement réceptif et ça faisait plaisir. On a joué un peu partout. On va en Bretagne aussi même si Gogojuice nous a devancés. J'ai des contacts à Lille et on est allé jouer en Belgique avec eux. Je vais faire venir des groupes de Lyon et de Lille à Rouen et après on va faire des échanges. Il y a aussi le groupe de Strasbourg qui n’a pas pu venir pour le plateau avec Gogojuice. L'idée c'est d'aller jouer un peu partout.
Donc, pour vous, il faut s’extérioriser maintenant…
Nelson (Gogojuice) : En fait c'est rigolo de jouer devant les copains, mais quel bonheur de pouvoir juste dire « Bonsoir on est de Rouen » à des Rennais, à ce que tu veux, c'est juste incroyable. Les gens ne te connaissent pas, ils sont là, ils découvrent un groupe de Normandie et c'est trop bien. Quand on joue dans les bars habituels de Rouen, on connaît les personnes, c'est les amis, ils savent ce qu'on fait.
Loïc (Royal Casino) : La légitimité du projet n’est pas forcément en cause parce qu’heureusement on croit en ce qu'on fait. Mais se confronter à un public complètement neuf qui nous découvre bien souvent dès la première note en live et de se dire que ces retours-là sont vraiment frais et sont peut-être vraiment objectifs parce que leur point de vue n’est pas biaisé, c’est intéressant. Ils n’ont pas connu des formations antérieures et n’ont pas de point de comparaison. Ils vont nous prendre tels que nous sommes. Ces retours peuvent vraiment être constructifs.
Nelson (Gogojuice) : C’est un challenge aussi. Par exemple tu vas jouer dans une SMAC ou une grosse salle et tu ne sais pas qui il y a dans la salle. Quand tu joues à Rouen, tu sais qui il y a dans la salle.
Mais, justement il n’y a pas cette appréhension non plus de se dire qu’il n’y aura pas de public ?
Loïc (Royal Casino) : On est là pour jouer de toute façon, qu’ils soient 10 ou 40 ou 100…
Quelles sont les dates à venir pour Royal Casino et pour Gogojuice ?
Loïc (Royal Casino) : Le 11 mars à Rennes ; le 24 mars au Fury Bar ; on a une date le 7 mai à l’Echo à Pont-Audemer ; le 14 mai on joue dans un petit festival à Pont-Audemer. Après, il y a des dates en juin et l'idée c’est de faire du mailing dans tous les sens pour essayer de choper des dates entre deux. J'avais aussi l'ambition de jouer à Paris, mais pour la scène parisienne c'est encore un peu compliqué. Nelson lui a plus d'entrées pour ça mais c'est vrai qu’on aurait aussi besoin de se structurer avec quelqu’un qui s'occupe du booking.
Nelson (Gogojuice) : Par exemple, pour la date qu'on fait avec The Foam Artifact, j’ai dit à Karelle que si on peut ramener un groupe de copains de Rouen, on le fait.
Loïc (Royal Casino) : Il y a cette idée qu’on n’avance pas seuls dans ce truc-là. On est quatre ou cinq groupes, de vrais amis dans la vie aussi, et on sait que si jamais il y a des dates et qu’il y a des plans, on va toujours aller se chercher les uns les autres. L'idée c'est de vraiment instaurer une scène. On veut pousser une nouvelle scène rouennaise qui ne serait pas post-punk alternatif, mais de la pop… une pop un peu bizarroïde qui se barre tantôt dans le garage, qui se barre dans le prog. C’est la pop 2. 0.
Nelson (Gogojuice) : De notre côté, on joue le 5 mars au Fury Bar, le 11 au Marquis de Sade, le 12 mars au Mc Daid’s, le 2 avril au Noctambule Paris, le 28 avril à l’Olympic Café ; il y a le festival Beni Skate à Bény Bocage.
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