Focus Music-Box #33 : Dalhia

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Juin 2022
Focus Music-Box #33 : Dalhia


Dalhia vient de sortir son deuxième EP « 4 Ever » le 13 mai dernier. Rencontre avec Rachel et Simon le 12 juin dernier avant leur passage sur scène à Ca Sonne A La Porte

Dalhia est né en 2018 au Havre, pouvez-vous nous faire une petite présentation du groupe ?

Rachel : Dalhia est un duo de dark-électro avec beaucoup d’influences diverses, notamment cold-wave, post-punk ainsi que le hip-hop qui est très présent. Il y a aussi du R’N’B dans certaines chansons. On utilise aussi le vocodeur. L’idée c’était vraiment d’essayer de trouver notre identité musicale avec tous les styles musicaux qui nous ont bercé depuis des années l’un et l’autre. Parfois ces influences sont similaires, parfois elles sont différentes.

 

De la pop également avec notamment Britney Spears ?

Rachel : Il y a énormément de pop aussi. Je suis une ultra fan de pop. Pour moi, Britney Spears a été une figure très importante quand j’étais petite, tout comme les Spice Girls et tout ce monde-là. Ça m’a vraiment bercée et ça m’a permis de mettre un pied dans la musique très jeune, à 5-6 ans. Il y a également MGMT qui pour moi est une autre forme de pop. C’est ce genre de groupe qui m’a également marquée. J’aime bien la variété française aussi, j’aime autant l’électro que le rap.

Simon : Il y a des choses intéressantes partout à écouter et il faut s’imprégner de toutes ces choses différentes. Dans notre musique, il y a des parallèles entre plein de styles différents qu’on essaie de rassembler.

Rachel : Quand on fait des playlists nous-même, ça peut passer d’Etienne Daho à Nicki Minaj. C’est important d’accepter toutes ces variations et de chercher ce qui est bien et ce qui est un peu moins bien.

Image retirée.

Et le côté cold-wave, il vient d’où ?

Simon : Pour moi, ce côté vient plus de l’électro. Des artistes comme Gesaffelstein m’ont amené à écouter des trucs un peu plus électro-dark avec des voix et des choses en plus.

Rachel :  A la base, tous les deux on vient du rock. Simon avait un groupe de rock, j’en avais un également. On écoutait beaucoup de rock, ce qui nous a amenés à écouter du post-punk. Pour moi, il y avait les premiers albums d’Indochine comme « The Birthday Album » et ça m’a vraiment influencée côté newwave.

Simon : Les gens entrent beaucoup dans ce genre de musique par The Cure, Joy Division et New Order, mais moi pas trop. Je n’écoutais pas ces groupes.

Rachel : Il ne connaissait pas du tout et je lui ai fait découvrir. Simon est un peu plus jeune que moi et il m’a fait découvrir la deuxième vague cold-wave qui est arrivée en France il y a cinq ans comme Rendez-vous ou des groupes à l’international comme She Past Away qu’on aime beaucoup. Ce qu’on aime bien, c’est d’avoir ce côté cold-wave sur certains morceaux, mais aussi des morceaux qui renvoient à un univers beaucoup plus R’N’B, que ce ne soit pas toujours l’autoroute de la cold-wave. J’ai vu The Cure aux Vieilles Charrues en 2012 ça a vraiment été une rencontre avec tout ce qui est synthétiseur, avec Robert Smith et sa voix qui est unique malgré le temps qui passe. Il y a vraiment ce truc du synthétiseur qui nous plait. On produit à la maison, donc on peut repenser, retravailler et notre idée c’est de retourner plus vers l’analogique, parce qu’on était beaucoup sur les logiciels. C’est notre objectif, après c’est vrai que financièrement ce n’est pas toujours facile de se procurer les choses.

Le premier EP, « Hide My Face » est sorti en 2020 et vous venez de sortir votre second EP « 4 Ever » le 13 mai dernier. On sent peut-être une forme d’apaisement dans ce nouvel EP par rapport au premier ?

Rachel : Je vois ce deuxième EP comme une continuité. Dans « 4 Ever », on a un morceau comme « Toys » qui est une chanson très féministe et qui rejoint « Hide my Face » d’une autre manière. Le premier EP était très punk et c’est aussi dû à nos influences. Je suis guitariste et chanteuse à la base. L’idée première pour le premier EP, c’était de retranscrire l’énergie du rock avec l’électro. Sur scène, c’est cela qu’on veut aussi, parce que c’est puissant. Avec « 4 Ever », l’idée c’était de travailler les sons et la finesse des mélodies, de ne pas être tout le temps dans du bourrin. On fait les choses de manière plus fine, plus dans une recherche mélodique, dans une recherche de sons, de sens également. Donc c’est un EP qui est moins bourrin mais qui a un niveau de symbolisation.

 

Ce nouvel EP a été composé pendant le confinement ?

Rachel : Pas entièrement parce que par exemple « Blue Ex-Tasy », je l’ai écrite il y a des années. Mais ça a été vraiment retravaillé pendant le confinement. On a eu l’occasion de faire une résidence dans le sud pour travailler les sons et élaborer quelque chose. On a bossé aussi avec Louis, un musicien qui joue dans un groupe qui s’appelle Des Roses

Simon : C’est lui qui a mixé l’EP.

Rachel : Il l’a mixé avec une oreille pop mais aérienne. On se retrouve bien dans cet univers. J’aime bien qu’il y ait des variations et je trouve que quand c’est toujours un peu la même identité, c’est ennuyeux.

Il y a comme une forme de dualité, pas simplement sur le plan musical mais également sur le plan esthétique. C’est le cas pour les pochettes de deux EP et pour les clips qui varient entre noir et blanc et couleur. A ce jour, quatre clips sont sortis (« Hide my Face » et « Sublimation » pour le premier EP ; « Viva 4 Ever » et « Miami » pour le nouvel EP). « Miami » parle de la fin d’une relation amoureuse. Dans la scène de fin du clip, pour en revenir à cette dualité, on se demande si c’est une fuite ou une recherche de quelque chose.

Rachel : C’est un peu les deux : ça raconte une histoire d’amour qui se termine, mais ce n’est pas forcément quelque chose de très stéréotypé. C’est plus quelque chose qui dit que la vie c’est comme ça, on apprend des choses, et du coup on fuit certaines situations mais peut-être pour trouver quelque chose de plus riche ailleurs. On ne voulait pas entrer dans quelque chose de très plombé ou de très lourd. « Miami » est quand même très empreinte de joie, enfin de joie un peu triste, notamment avec sa mélodie. C’est la bizarrerie et le changement, les choses qui se bouleversent à un moment donné.

 

Un peu entre désillusion et espoir.

Rachel : C’est ça oui. Dans cet EP, il y a plus d’espoir quand même. Ça ne veut pas dire qu’il n’y en avait pas dans « Hide my Face » où il y avait peut-être une violence et des choses dures à exprimer. C’est vrai que « Hide my Face » est une chanson très puissante et qu’on incarne toujours avec puissance sur scène.

Simon : Le premier EP était plus intuitif aussi dans le sens où il a été produit plus vite, il y avait quelque chose d’un peu plus urgent aussi dans l’enregistrement. Pour « 4 Ever » ça a plus été un travail de réflexion, déjà pour savoir quels titres on gardait, lesquels on enlevait parce qu’on en avait plein. Savoir lesquels on retravaillait…

 

Avec la question de savoir pourquoi un EP et pas un album peut-être ?

Rachel : On est en train de préparer un album.

Simon : On aurait pu sortir un album si on avait voulu.

Rachel : Les EP c’est bien aussi pour développer des univers. Et là, ces chansons-là ensemble, elles étaient vraiment cohérentes pour nous. Avoir une chanson en français aussi ça a été un vrai challenge parce que je n’écris pas en français même si j’aime beaucoup d’artistes français. Disons que sur notre nouvel EP, il y a eu beaucoup plus de recherches mélodieuses. Je suis vraiment obsédée par les mélodies et leur efficacité, que ce soit au niveau des synthé ou des voix, c’est vraiment mon obsession majeure.

 

Et qui compose dans le groupe ?

Rachel : En fait on compose ensemble. Pour les paroles, c’est moi, mais pour la composition ça dépend, parfois c’est Simon qui commence et j’ajoute des choses. On est vraiment dans un travail où chacun compose seul de son côté.

Simon : A la fin, on met en commun.

Rachel : Mais avant, pour avoir ce temps de formalisation, on est tout seul devant notre truc, de manière à ce que les idées de l’un ne parasitent pas les idées de l’autre. Après, il y a une mise en commun sur les effets, parce qu’on travaille quand même beaucoup les effets, les réverbs, lesquelles et pourquoi.

Tu parlais de « Hide my Face » que vous jouez toujours sur scène, est-ce qu’il y a eu une évolution pour jouer les morceaux du premier EP en live ?

Simon : On les a un peu retravaillés. 

Rachel : On a fait des résidences pour retravailler tout ça. J’aime bien par exemple le fossé énorme qu’il y a entre « Hide my Face » et « Encore », tu le verras peut-être sur scène ce soir. J’aime bien la surprise quand je vais voir des concerts, qu’il y ait un moment durant lequel il y a un morceau où il n’y a rien ou presque. Ça apporte des choses différentes. On a gardé « Hyde my Face » dans cette énergie, mais comme « Toys » qui est aussi très énergique. « Suicide » jouée sur scène a également une autre dimension.

Image retirée.

Quelle est l’histoire de « Suicide », qui malgré son titre semble très douce ?

Rachel : Elle parle des relations pathologiques, des déceptions familiales qui peuvent mener à un certain désespoir. Ce n’est pas vraiment le thème du suicide, mais ce que ça peut évoquer en termes d’images et de profond désarroi.

 

Ces thèmes reviennent assez souvent ces derniers temps chez différents groupes et artistes, peut-être pour marquer cette période récente assez névrosée ?

Rachel : Avec cette période post Covid et la crise qui nous suit tous, il y a quand même une société dépressive. Pendant le premier confinement, j’ai vachement composé et j’étais vraiment prolifique. Mais les autres confinements, c’était trop. Je ne l’avais pas pensé comme ça, mais peut-être que dans l’EP il y a beaucoup de chansons tristes parce que cette période était difficile. Et même avant, il y a eu les attentats. Il y a un climat, notamment pour les jeunes qui est vraiment anxiogène et c’est difficile de s’inscrire quelque part. 

 

Et malgré ça, il y a quand même un message d’espoir.

Rachel : Oui, surtout dans le titre « Viva 4 Ever ». Je pense qu’il y a toujours de l’espoir. Effectivement, même dans les situations les pires, l’humain peut créer des choses qui permettent de s’en sortir. Dans « Viva 4 Ever », c’est ça, comme dans le premier EP avec le titre « Sublimation » qui est un concept freudien sur la création artistique. C’est vraiment un hommage au fait qu’on peut répondre par l’art à des situations que l’on pense impossibles et où il n’y a pas de porte de sortie. L’art, et pas que la musique, mais l’art en général permet quand même de se sortir et de s’extirper d’énormément de mal-être et d’énormément de conflits et de questionnements. Quand on a ça en main et qu’on peut l’utiliser c’est une chance formidable. « Viva 4 Ever » c’est ça aussi, oui il y a des gifles, des choses très difficiles. Cette chanson est un hommage aux Spice Girls avec leur chanson « Viva for Ever » qui m’a énormément marquée petite. Pourquoi un hommage ? Parce que je trouve qu’il n’y a aucune honte à aimer le mainstream, aucune honte à s’identifier à des choses qui plaisent à tout le monde. Il y avait peut-être ce truc avant notamment au Havre d’où nous venons et de la scène rock où ce n’était pas admis, mais je trouve qu’aujourd’hui ça l’est.

 

C’est marrant que tu parles de ça, parce que tout à l’heure, je suis allé écouter les interviews de Radio Principe Actif sur Ça Sonne à La Porte, et Miah Moss et Lotti, qui sont également programmées sur le festival, avaient un peu ce même discours.

Rachel : Je pense que parfois, un super titre d’une popstar peut nous réunir et faire l’unanimité et je trouve ça incroyable. Quand je vois aujourd’hui Ariana Grande, je suis soufflée, je trouve ça magique. C’est bien aussi, parce que ça permet que tous les milieux, les microcosmes de rockeurs et de rockeuses, de R’N’B, etc. puissent parler ensemble. Dalhia n’est pas dans un genre défini, je ne sais pas où on sera pour le prochain album.

Sur le site de NORMA, on vous classe en électro. C’est finalement réducteur ?

Rachel : Oui, c’est assez réducteur. En fait, l’électro est notre support, mais ce n’est pas de l’électro pure, même si on fait tout sur ordinateur.

Simon : Le terme électro est ce qui est le plus accessible pour que les gens puissent se représenter la chose.

Rachel : On n’a pas de guitare, mais il y a des chansons qui sont très rock en réalité. C’est vraiment ce que je voulais, avoir l’effet du boost sur la guitare quand on enclenche la pédale. L’avoir sur des chansons, sur des refrains et de faire du rock sans instrument de rock.

 

Il n’y a pas justement cette volonté de reprendre la guitare ?

Rachel : Si, j’y pense. En plus ça me démange en ce moment. Avant, j’avais mon groupe de rock au Havre qui s’appelait The Perkins. Mais en découvrant la MAO, au niveau des sons, j’avais envie d’aller ailleurs. Mais ça m’a beaucoup servie de faire du rock et d’avoir toutes ces influences-là de l’époque.

 

Et comment t’es-tu formée à la MAO ?

Rachel : Au départ un peu toute seule, mais c’était assez limité. Après, j’ai vite fait appel au 106 à Rouen où il y a vraiment une équipe formidable avec Arthur et Laurent qui m’ont formée. Ils m’ont donné des cours de Ableton Live et après je me suis formée à Logic Pro un peu toute seule. Simon y touchait aussi pas mal. Avec ça, tu as vraiment une autonomie totale, et en étant n’importe où, si tu as une idée, tu peux la mettre sur ton ordi. Je trouve ça magique, parce qu’avant, quand j’avais mon groupe de rock, je prenais mon téléphone, j’enregistrais ma petite mélodie… enfin ce n’est pas pareil.

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Pour revenir sur la période Covid, Dalhia a été iNOUïS Printemps de Bourges en 2020. Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté malgré le contexte difficile ?

Rachel : Ça nous a apporté des choses parce qu’on a trouvé un tourneur juste après, ça te donne beaucoup plus de visibilité. Finalement, c’est comme ça que fonctionne le système en France ; c’est important de se faire reconnaître par les SMAC.

Simon : Sans passer par-là, c’est plus difficile et plus long.

Rachel : Oui, alors autant saisir sa chance. On a postulé, on était très surpris de gagner sur le territoire Haute-Normandie. En face il y avait Younès, Kumusta, Julius Spellman et Awa Lemen. Ça nous a surpris parce qu’on fait un genre de musique « de niche » et on était très contents. Après il y a eu le Covid et on s’est demandé comment ça allait se passer. Ça nous a fait également rencontrer d’autres artistes avec qui on a pu échanger. L’ambiance là-bas était bonne. Les formations proposées lors des classes vertes, pour être tout à fait honnête, étaient très orientées vers l’argent. De notre côté, on met l’artistique avant l’argent, même si ça compte.

Simon : Il y avait des trucs intéressants, mais c’était beaucoup ça. C’est vrai que c’est intéressant de comprendre comment travaille l’argent…

Rachel : Peut-être que ça aurait été mieux, si ça avait été un peu plus équilibré.

Simon : Avec un peu plus de contenu artistique.

Rachel : Mais ça nous a aussi permis de nous confronter à des pros. Il n’y avait pas de public, mais finalement c’est bien parce que ça permet aussi de se préparer aux tournées où rien n’est acquis. On est un groupe en développement, personne ne nous connait et il faut être prêt et avoir confiance. Des choses comme ça sont à faire. Avec Les Perkins, on avait fait le Tremplin des Francofolies qu’on avait gagné et on avait joué devant énormément de monde. Je pense qu’il faut saisir toutes ces opportunités-là qui construisent des choses dont on n’a pas forcément conscience. Bourges nous a permis de nous professionnaliser, de faire des tournées, d’avoir une vraie visibilité.

 

A propos de tournée, j’ai vu que dans un post Facebook, vous annonceriez bientôt quelques surprises pour l’été.

Rachel : Normalement il y a des surprises, mais en fonction du contexte, on ne préfère pas s’avancer. On croise les doigts et on espère que ça se fera. 

 

L’année dernière, vous avez notamment fait une tournée en Europe de l’Est. Comment se sont passées ces dates ?

Rachel : Oui, on a joué en Europe de l’Est et aussi en Espagne. Il y a une grande ouverture d’esprit qu’il n’y a pas nécessairement en France où on te demande d’être calibré pour comprendre dans quel univers tu es. C’est pour ça aussi qu’on a changé, on ne voulait pas qu’on nous colle l’image de la cold-wave et le côté noir, le fait de représenter quelque chose de sombre.

Simon : C’est surtout qu’on ne représente pas une chose en particulier. Quand tu trouves ton public et que ton public aime ton image, c’est dur de se dire qu’on va changer. Dans le même projet, c’est difficile de prendre une direction tout à fait différente. Des groupes comme Radiohead l’ont très bien fait, ils ont sillonné entre plein de trucs.
 


Dalhia

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© Diane Sanier / Ella Bats

 

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