170 39 vient de sortir son 3e EP « Last Rendition » le 27 mai dernier. Ils partageront le plateau avec D.E.M. qui sort son premier album « D.E.M. », le 2 juillet au Portobello pour une double release. Rencontre et discussion avec Gaëtan et Théophile (D.E.M.) et Alexandre (170 39) qui nous parlent de leurs groupes, de leurs esthétiques et de leur vision de la scène électro et metal.
Pour commencer, pouvez-vous nous faire une petite présentation des deux groupes ?
Gaëtan (D.E.M.) : D.E.M. est un groupe de deux personnes, et nous travaillons sur de l’électro avec des tendances un peu metal, voire black metal.
Alexandre (170 39) : 170 39 est également un duo de musiques électroniques qui se veut expérimental, entre le monde du metal et du rock alternatif, et la musique électronique en général et plus particulièrement la techno.
Les références au metal et à l’électro sont similaires pour les deux groupes. Avec des spécificités et des différences ?
Alexandre (170 39) : Pour 170 39, les références au metal sont le progressif, un peu de djent, du sympho. En fait, ce que je trouve marrant, c’est que D.E.M. et nous n’avons pas du tout la même façon d’aborder les choses. Dans les sonorités, 170 39 vient de ce qui est brut, break core, techno à l’ancienne, un peu mi-tempo. D.E.M. est plus dans le côté synth wave. Ils sont vachement plus en mode black ou ce qu’on va retrouver en mode cinématographique, pas pop non plus, mais des trucs qui montent assez haut dans le metal et qui sont reconnus comme étant assez présentables et cinématographiques. Alors que nous, ça va plutôt être le côté un peu bourrin, djent. Dans les arrangements, ce ne sont pas les mêmes emprunts qu’on fait.
Gaëtan (D.E.M.) : On a une approche différente, mais on a finalement presque le même but. On s’est rencontrés par hasard grâce à un ami et on s’est dit c’est bizarre, on fait les mêmes trucs mais de manière très différente quand même. C’est chouette de partager tout ça.
Vous avez déjà fait des plateaux communs ?
Gaëtan (D.E.M.) : Non. On a vu jouer 170 39 un peu et on s’était déjà rencontrés avant. On avait discuté de nos projets respectifs. On est contents de jouer sur le même plateau au Portobello le 2 juillet.
Alexandre (170 39) : Et de pouvoir servir un univers commun, même si ce sont deux projets différents.
Gaëtan (D.E.M.) : Un culte à la machine.
Alexandre (170 39) : Et essayer de montrer qu’il y a une scène qui se crée, même s’il n’y a que 15 groupes en France qui font ça.
Il y aura peut-être une spécialité caennaise ou normande après ça ?
Gaëtan (D.E.M.) : C’est l’une des faiblesses de la Normandie où l’électronique et le metal sont très peu accompagnés alors qu’il y a quand même de très bons musiciens dans ces deux esthétiques. C’est un problème qu’il y a un peu chez nous, et on aimerait booster tout ça si c’est possible.
Alexandre (170 39) : Et puis on a quand même la chance d’avoir la proximité de Paris qui au niveau des musiques électroniques et expérimentales sont très présentes sur la scène. C’est surtout tout ce qui peut être joué en festival qui est vachement bien accompagné. Dans des exemples un peu plus vieux et issus d’autres univers musicaux, on a des groupes comme Louis Attaque ou Sexy Sushi qui sont passés par ces mêmes endroits à Paris. Et on sait que cette scène parisienne est ouverte à des artistes comme Igorrr ou The Algorithm qui se rapprochent de ce qu’on fait.
170 39 a sorti son nouvel EP en mai. La sortie de l’album de D.E.M. est prévue en juillet ?
Théophile (D.E.M.) : Sa sortie est prévue le 2 juillet pour la release party au Portobello.
Alexandre (170 39) : On a sorti notre EP le 27 mai et cela faisait longtemps qu’on voulait le faire. Marsouin et moi, on aime bien les sorties qui ont lieu un peu avant l’été. On aurait bien aimé que ça s’accorde avec la release du 2 juillet, mais comme il est prévu que l’on joue aux Art’Zimutés la veille, on voulait essayer de prendre un peu d’avance pour avoir un peu de merch. Mais au final, on n’a pas réussi à avoir autant d’avance que ça. Si on a sorti notre EP, c’est aussi pour se libérer d’un poids, parce que ces morceaux, cela fait un an et demi qu’ils sont bouclés.
Théophile (D.E.M.) : C’est pareil pour nous, ça fait deux ans que c’est bouclé. Au bout d’un moment, il faut se lancer.
Gaëtan (D.E.M.) : Oui, et il faut arrêter de le corriger et d’essayer de faire mieux…
Alexandre (170 39) : S’il faut reprendre le morceau de zéro, ça ne sert à rien du tout. Il faut absolument le sortir à un moment. Surtout que le fonctionnement commercial, aujourd’hui, ce n’est plus de sortir un EP, mais de sortir des singles tous les deux mois. Que ce soit 170 39 ou D.E.M., on est des groupes qui ont une esthétique et une volonté d’aller sur des albums ou sur des gros formats. On essaie de faire un entre-deux et d’être présents. Mais avec le Covid, c’était très compliqué ; et donc, à un moment on a besoin de sortir un EP et de passer à autre chose.
Il n’y avait pas assez de morceaux pour faire un album ?
Alexandre (170 39) : De notre côté, on avait commencé à faire des morceaux un peu avant le début du Covid et on avait une belle tournée de prévue. On voulait finir notre heure de set en plus propre, on avait donc fait de nouveaux morceaux. Ça nous faisait une heure de set et on pouvait jouer tout ce qu’on voulait et choisir ce qu’on ne voulait pas jouer. On avait trois nouveaux morceaux qui faisaient 3 minutes chacun. Ça ne fait que 10 minutes, mais c’est quand même 1/6 du set et ça permet de renouveler. Mais on n’en a pas fait plus, parce que Covid, envie de faire une pause, besoin de travailler et de faire d’autres choses… Quand on a repris, j’ai sorti de mon côté deux albums sur d’autres projets et j’ai mixé beaucoup d’autres morceaux. Sur cette période, j’ai appris plein de choses, Marsouin et moi avons évolué, et on s’est dit qu’on ne ferait plus les choses de la même façon. On a essayé, mais on n’a pas réussi à se motiver pour en faire plus. On s’est dit qu’on allait faire table rase. C’est notre troisième projet, il s’appelle « Last Rendition » et ce n’est pas un hasard, c’est le côté « fin d’une ère ».
Théophile (D.E.M.) : Sur notre album, on a plus de morceaux, on en a 8 ou 9. Mais à la base, on en avait 13 ou 14 depuis deux ans. On en a choisi 8 ou 9 qu’on a fait mixer et masteriser en studio. On s’est dit qu’on partait sur ceux-là, car ce sont ceux qui ont le plus de cohérence et une ambiance globale qui se tient. Ce qu’il y a de marrant, c’est qu’on a des morceaux qu’on joue en live qui ne sont pas sur l’album, et il y a un morceau qui est dans l’album mais qu’on ne joue pas en live parce qu’il ne s’y prête pas et qu’il n’a pas la même énergie.
Alexandre et Marsouin de 170 39 ont chacun d’autres projets à côté. Est-ce également le cas pour D.E.M. ?
Gaëtan (D.E.M.) : On fait un peu de production pour des potes, mais on met vraiment tout dans D.E.M. On se voit environ trois fois par semaine pour travailler et mixer, pour bosser les compos. On continue de s’améliorer encore et toujours.
Vous composez chacun de votre côté ?
Théophile (D.E.M.) : On compose chacun de notre côté, mais on finit toujours par les travailler à deux. Il y en a un qui va faire le squelette et au fur et à mesure, on va habiller le truc.
Gaëtan (D.E.M.) : Sur chaque son, on s’est chacun vraiment tout approprié comme il fallait.
Théophile joue de la guitare sur les morceaux ?
Théophile (D.E.M.) : Principalement de la guitare, mais en fait, je fais un peu de tout, parce que dès qu’on sait faire un peu de clavier, on peut tout faire. A la base, je suis plus guitariste, et quand on s’est rencontré, je ne jouais que de cet instrument. On a commencé à faire du blues core et c’était drôle. C’était au tout début, et après, Gaëtan m’a parlé d’artistes comme Perturbator, et on a créé un premier projet. Avec ce projet, 3 Equilateral Points, on a fait le Start de NORMA. Ensuite, on en est arrivé à ce nouveau projet qu’est D.E.M.
Il ne s’agit plus du tout du même projet ?
Théophile (D.E.M.) : Ce sont les mêmes personnes mais plus du tout le même projet.
Gaëtan (D.E.M.) : Avec une autre ambiance plus violente et plus assumée aussi.
Théophile (D.E.M.) : Dans l’autre projet, on faisait du funk, du metal, de l’électro, de la synth wave, de l’orchestral. C’était cool, mais on s’est dit qu’il fallait faire un truc qui aille tout droit.
Sur scène, tu joues notamment avec une guitare 9 cordes. Pourquoi ce choix ?
Théophile : Je joue sur une 9 cordes et sur une 6 cordes. La 9 cordes, c’est vraiment pour ce qui est de rajouter des graves. Le problème que j’avais aussi dans l’ancien projet, c’est que les guitares étaient accordées et désaccordées tout le temps. On s’est dit que sur une 9 cordes, j’aurais plus de possibilités, mais au final, il me faudrait au moins trois guitares pour que je sois tranquille.
Alexandre (170 39) : Pour 170 39, en termes de composition, on se voit beaucoup moins souvent que D.E.M. et ça se voit parce qu’ils produisent beaucoup plus de morceaux. Mais dans la façon de composer, c’est la même chose. Il y a de l’échange, ça peut être un qui apporte la mélodie et l’autre la structure. Pour l’instant, c’est moi qui vais faire 80% d’un morceau en une après-midi parce que j’ai trouvé le petit truc pour démarrer, et Marsouin va venir poser les 20% restants. On a la chance d’avoir un peu défini ce qu’on voulait faire depuis un moment, et de ne jamais relancer le projet de zéro. On a toujours pris des petites tangentes dans ce qu’on faisait, sans trop s’éloigner et sans que le public voie cela comme quelque chose de différent. Pour les problèmes scéniques, ce sont plus ou moins les mêmes que pour D.E.M.
Gaëtan (D.E.M.) : L’électronique qui saute… (rires).
Alexandre (170 39) : On n’utilise pas les mêmes choses d’ailleurs. Il y a des morceaux qu’on a composé il y a 3 ou 4 ans qu’on n’a jamais fait autrement qu’en live, et on sait maintenant qu’on ne les sortira jamais parce qu’ils sont trop anciens. On se dit aussi maintenant que dès qu’on compose, il faut que ça puisse passer sur le format que l’auditeur va trouver sur Internet mais aussi sur le format live. Aujourd’hui, les deux sont importants. Pour gagner sa vie en France, il faut faire des concerts, et pour se faire connaître, il faut être présent sur les réseaux. Et comme on n’est pas forcément des groupes qui se prêtent au fait de se montrer en tant que personnes, on essaie de compenser en ayant un univers et une présence un peu cinématographique.
C’est vrai que sur les visuels des 3 EP, on ne vous voit pas Marsouin et toi. Il y a très peu de vidéos également.
Alexandre (170 39) : On a un clip où on nous voit, et encore on voit plus le décor que nous parce que c’est assez sombre. Sur Instagram, on a quand même beaucoup de shootings de nous. Par rapport à ce qui se fait dans le milieu électro, on est assez présent à ce niveau. Mais quand on voit ce qui se fait dans le milieu mainstream de la pop, on en est très loin. On a bien remarqué que ce sont les visuels de 170 39 qui marquent le plus les gens, pourtant ce qui a le plus de like sur Instagram et les réseaux, ce sont nos tronches. Les réseaux sont faits pour ça, et on joue le jeu en faisant en sorte d’y apparaître sans se vendre non plus.
Gaëtan (D.E.M.) : Les visuels sont vraiment importants. Sur les réseaux, on est un peu pudiques.
Théophile (D.E.M.) : D’autant plus que sur scène, on joue des personnages. Logiquement, on n’entend pas parler les personnages, sauf en concert où Gaëtan dit des textes en latin. Si on commence à parler sur les réseaux, ça casse tout le truc. Il faut qu’il y ait un mystère derrière. Sur les photos, ce ne sera jamais nous sans le maquillage.
Gaëtan (D.E.M.) : Il y a une barrière symbolique avec le public.
Alexandre (170 39) : Sur scène, on a pris la décision aussi de ne jamais parler. On s’est dit que si on devait parler, ça allait forcément être quelque chose d’hyper important pour dire que la musique a un problème et qu’on finirait par le faire si ça nous concerne et qu’on en ressent le besoin. Mais on a aussi cette volonté de ne pas s’afficher et de ne rien dire, de transmettre un message autrement. Mais sur les réseaux, on a décidé qu’on allait quand même montrer les back et essayer d’être un peu plus humains, comme on pourrait faire un making off. Aujourd’hui, ceux qui décollent sont ceux qui s’affichent humainement avec cette sorte d’extraversion des réseaux sociaux.
Dans les musiques électroniques aussi ?
Alexandre (170 39) : Dans la techno surtout. Je suis beaucoup la hard dance et tout ce qui est hardcore, et tous les plus grands font des stories avec leur famille. Je trouve ça hyper intrusif même s’ils arrivent tous à trouver une bonne limite, ils ne sont pas sur du Angèle non plus. Mais nous par exemple, on n’a pas envie de montrer notre famille, ça n’a pas d’intérêt du tout dans les messages qu’on veut faire passer. Ça désacralise, ce n’est pas l’envie d’être adulé, on veut juste que notre musique se place dans un autre univers, et la ramener au quotidien, ce n’est pas ce qu’on recherche. Par contre, expliquer comment se passe l’envers du décor, comment on compose, on sait que c’est essentiel. Je trouve ça moins malsain, il s’agit de montrer le processus artistique.
D.E.M. et 170 39 sont proches d’un collectif électro ?
Alexandre (170 39) : D.E.M. est plutôt dans le côté metal, c’est ça qui est marrant.
Gaëtan (D.E.M.) : Oui, on a des potes qui font du metal, on a aidé de projets metal.
Théophile (D.E.M.) : Et on a de bonnes relations avec Le Chef Raide qui est plus connoté metal ou rock prog qu’électro. On travaille aussi avec le guitariste d’Åkesson qui nous aide.
Gaëtan (D.E.M.) : En Normandie, à par le réseau de techno pure, le reste, c’est compliqué.
Alexandre (170 39) : Il n’y a pas de scène électro indé. Il y a quelques collectifs, mais ce que j’aurais à leur reprocher, c’est que même dans la musique électronique aujourd’hui en général, il y a beaucoup de genres ou de sous-genres ultra codifiés. Je les aime tous, et ce qui est très bien c’est qu’il y a toujours un peu d’innovations et que ça se mélange. Mais par exemple, j’ai d’autres projets technos un peu plus classiques et quand je fais de la techno qui passe en teuf, c’est facile, je vais voir tous ceux qui font ça, donc tous les Sound System, Black Moon. Le Cargö va moins suivre, mais tout ce qui est réseau indépendant de teuf et de musique underground va suivre, parce qu’ils sont très proches de Paris, ils échangent beaucoup. On a beaucoup d’artistes internationaux sur Caen et là-dessus on est une région assez incroyable. Mais c’est vrai qu’ils ne sont pas institutionalisés, ils sont vraiment dans leur coin, ça fait 30 ans qu’ils se battent et ils ont du mal à nous accepter. On a joué avec Les Vagues Electro, Black Moon nous suit, mais c’est vraiment parce que je les connais. Ils voient que ça sonne bien et on a de bons compliments, mais ce n’est pas la même façon de faire de la musique. Nous on est vraiment sur un concert à l’ancienne, eux ils sont sur des DJ set. A partir du moment où on n’est pas DJ, on n’est mis à part, et en musiques électroniques c’est un peu la même chose, sauf si on fait du Petit Biscuit ou de la pop un peu chill.
Théophile (D.E.M.) : On a le même problème parce qu’on se ramène avec 8 ou 9 instruments sur scène. Ce n’est pas qu’on n’aime pas les DJ Set, mais nous, on fait un réel concert.
Gaëtan (D.E.M.) : C’est le moment où tout passe au numérique, on est de plus en plus assisté par ordinateur. Même dans le metal et le rock, il y a de plus en plus de synthé et de MAO qui arrivent.
Théophile (D.E.M.) : Des artistes qui nous inspirent comme Carpenter Brut ou Perturbator ont commencé comme DJ Set avec un PC des platines mais ils se faisaient chier.
Alexandre (170 39) : J’ai des projets où je fais ça et j’aime bien parce que c’est facile, tu ramènes ta clé USB et tu mixes. Tant que tu ne mens pas à ton public et que tu sais que tu fais un DJ Set, c’est comme avoir des tracks préenregistrées. La seule solution qu’on a trouvée avec 170 39, c’est d’essayer de minimiser au maximum et on a juste la guitare. C’est un DJ Set mais fait d’une autre façon mais ça demande les mêmes ressources. Pour le public, c’est la même chose que deux DJ sur scène. Il faut quand même prouver aux organisateurs que c’est faisable et il faut leur expliquer parce que sur des vidéos on a la batterie, et parfois ça les refroidit.
C’est peut-être plus facile de jouer en festival ?
Alexandre (170 39) : Pour moi c’est le but. On a des intro de plus d’une minute et on a envie de les jouer sur une grande scène. On a eu la chance d’être suivis par NORMA puis d’être repérés par Le Circuit qui a fait qu’on a pu faire des belles scènes. On est des groupes qui sont faits pour être suivis par les SMAC, mais elles sont quand même un peu frileuses parce qu’en général elles vont vers ce qui est pop. Il faut réussir à se faufiler dans cet entre-deux et trouver des choses qui ressemblent.
Gaëtan (D.E.M.) : C’est le côté de faire ses preuves aussi hors de l’underground.
Alexandre (170 39) : On est des groupes qui sont faits pour fonctionner comme des groupes pop. Entre notre univers et ce qu’on demande, il y a un décalage de fou et il faut attendre de décoller pour pouvoir faire ce qu’on veut vraiment. C’est comme Rone, dans un univers différent mais qui représente exactement ce qu’on veut faire dans une autre branche. Je l’ai découvert en 2009 et il faisait des DJ Set, mais c’était différent de ce qu’il faisait en studio parce qu’il sait comment fonctionne la scène électro. Il a quelque chose qui ressemble à un DJ Set, et maintenant il se permet des expériences et c’est incroyable. C’est comme Fakear et tous ces projets-là, c’est la preuve qu’il faut savoir faire le DJ entre guillemets avant de pouvoir faire autre chose.
L’année dernière, 170 39 avait notamment fait la clôture du Festival La Revoyure.
Alexandre (170 39) : Oui, c’était un très bon festival. C’est là qu’on s’est rendu compte d’une chose : même si ça se passe bien de jouer dans les bars, ce n’est pas pareil du tout. Même une salle comme Le Portobello, pour l’avoir déjà faite une fois, ça suffit. Ce n’est pas une scène immense mais il y a quelques lights. S’il y a une scène qui te surélève, c’est déjà la moitié du taf. Pour le reste, on sait s’adapter. Pour D.E.M. c’est peut-être un peu plus dur car il y a le côté metal, contrairement à nous où c’est un peu plus brut et tant qu’on fait du bruit et que c’est énergique, on va s’en sortir. D.E.M. a une ambiance en live un peu plus oppressante.
Théophile (D.E.M.) : Quand tu viens nous voir, tu viens voir une messe noire, et c’est con, mais tu ne vas pas à la messe noire dans un bar (rires). On a un décor de scène et il faut qu’il puisse rentrer. S’il n’y a pas le décor, ça nous chamboule tout.
Gaëtan (D.E.M.) : Ça va poser l’ambiance.
Théophile (D.E.M.) : On veut pousser le délire à fond là-dessus.
Gaëtan (D.E.M.) : Les costumes ont évolué au fur et à mesure.
Alexandre (170 39) : Nous on pensait à un album plus symphonique qui se prêterait au live. Mais tant qu’on n’a pas une tournée de festivals de plus de dix dates à la suite, ça ne sert à rien. Le but c’est de pouvoir jouer n’importe où et n’importe comment. On sait jouer sans la batterie, on a déjà joué sans la guitare. C’est ce qu’il y a autour de nous qui va apporter le reste, parce que les gens sont censés savoir faire leur travail. En termes de décor et dès qu’il fait nuit on arrive à faire suivre. On a la même volonté que D.E.M., on veut que ce soit une sorte de film.
Théophile (D.E.M.) : Que ce soit envoutant. Nous, c’est ce qu’on nous a dit pour nos concerts, alors qu’à la base, on ne partait pas dans cette idée.
Alexandre (170 39) : Un jour tu vas te prendre un compliment technique concernant le style que tu fais, un jour tu vas avoir un compliment d’un type qui n’y connait rien. J’adore ce mélange de compliments, parce que même si on n’arrive pas encore à faire ce qu’on veut, les gens voient l’intérêt et la direction que ça veut prendre.
Gaëtan (D.E.M.) : Le style hybride qu’on fait est un pari un peu risqué. Parfois, les styles n’aiment parfois pas trop se rencontrer, et on a quand même réussi à obtenir un résultat où les gens adhèrent et arrivent à comprendre. C’est rassurant.
Théophile (D.E.M.) : Le black metal est un milieu assez fermé et qui n’aime pas trop s’intéresser à autre chose que ce style. Ça me fait marrer de voir des métalleux qui restent devant ce qu’on fait.
Alexandre (170 39) : On peut remercier Igorrr, Carpenter Brut ou Gesaffelstein, mais même The Prodigy ou des trucs comme ça. On a la chance d’avoir eu quelques expériences qui mélangeaient le rock brut et les musiques électroniques depuis les années 90. J’ai écouté du metal toute mon adolescence et de la techno tout le reste de ma vie, et ce sont deux milieux qui se ressemblent énormément. Les groupes qui se mélangent sont en général plus acceptés par la scène metal, ce qui est bizarre, puisque la communauté metal est un peu plus vieillissante. Mais tous ces exemples peuvent jouer sur des scènes comme le Hellfest et beaucoup plus rarement sur la scène électro. On a le Nordik à Caen qui nous ramène des artistes comme ça, mais c’est quand même beaucoup plus rare. Tous les labels de ces gens-là sont des labels de metal et j’avoue que j’ai du mal à comprendre. J’aimerais que ces deux scènes cohabitent un peu plus et qu’elles voient qu’il y a un truc à jouer.
Gaëtan (D.E.M.) : C’est ce qu’on voulait de notre côté, créer un label électronique et metal, au début en Normandie et un peu plus loin après, parce qu’il y a tellement d’artistes qui ne sont pas aidés, qui n’ont pas de soutien et ne sont pas accompagnés. Dans le milieu underground caennais ou chez les hauts-normands, il y a des gens qui sont là depuis 15 ans mais qui ne sont toujours pas accompagnés et diffusés.
Alexandre (170 39) : Dans un autre genre, on a Querelle qui se veut plus dans la pop avec un côté punk je trouve et qui galère. Nous, on s’est inscrits au Printemps de Bourges, et la réponse qu’on a eue parce qu’on n’a pas été pris, c’est que l’électro ça doit être propre aujourd’hui. Si tu rajoutes un grain analogique, ils considèrent que ce n’est pas propre, alors que le punk, quand tu le fais proprement, ça ne sonne pas bien. Il n’y a pas de propre ou de pas propre, le tout c’est que ça sonne comme on veut.
Théophile (D.E.M.) : Comment ramener de l’originalité si on reste dans les codes l’électro « c’est propre » ?
Alexandre (170 39) : On a par exemple Crystal Castle qui fonctionne quand même à l’international et qui est un exemple pour ce qui est de mixer comme il veut à l’ancienne
Il y a un retour à l’analogique aussi.
Alexandre (170 39) : Oui, beaucoup. Comme il y a beaucoup de musique électronique même sur ordinateur qui veut reproduire l’analogique, c’est beaucoup plus simple d’y retourner maintenant. Mais ça reste deux mondes différents. Black Moon et tous ces gens qui font de la techno hard dance sont à 100% dans le numérique et ça sonne très bien mais c’est très différent. Avec 170 39, ça fait un an et demi qu’on se pose la question de savoir si on n’essaierait pas de passer sur ce genre-là, mais je n’arrive pas à imaginer un projet qui passe de l’un à l’autre et qui reste le même.
Gaëtan (D.E.M.) : Quand tu ne fais que du numérique, il faut que cela soit hyper précis et hyper calé. Nous, on est beaucoup en numérique, mais on apprécie le grain analogique, c’est beaucoup plus puissant. Pour le live, c’est toujours mieux d’avoir de l’analogique.
Théophile (D.E.M.) : Ça nous a sauvé la vie au Chef Raide.
Gaëtan (D.E.M.) : Avec le numérique, parfois ça peut stopper.
Théophile (D.E.M) : Et avec l’analogique, tu as le côté où tu as ton instrument qui est prêt et tu as tout sous la main. Et pour la créativité c’est bien.
Alexandre (170 39) : Quand on a commencé, le set était pré-fait parce qu’il faut que le PC suive. Mais très vite, on s’est pris des remarques et ça m’a saoulé, parce qu’en général les plus grands sont ceux qui font le moins d’efforts. Je n’ai rien contre, mais il ne faut pas en faire une guerre parce qu’on n’est pas là pour être des techniciens, on est là pour être des artistes. L’art ce n’est pas une question de savoir qui fait le mieux, c’est juste parler à des gens. Je me suis dit qu’on allait pratiquement tout préprogrammer, il y a des effets qu’on contrôle en direct, même si 70% du truc est pré-fait parce que parfois, il y a 100 effets sur les synthés pour donner pile le truc que je veux. Je ne peux pas, ne pas le préprogrammer, et c’est là que tu te retrouves dans la guerre entre le full numérique et le full analogique. Le fait que ça bave et qu’il y ait des erreurs aussi, c’est hyper important, ça rend la musique beaucoup plus vivante.
Théophile (D.E.M.) : Le mieux aujourd’hui, c’est de mélanger les deux.
Gaëtan (D.E.M.) : L’hybride est la solution.
Alexandre (170 39) : Il faut juste que les gens suivent derrière et qu’on nous donne les moyens.
Pour terminer, on va parler des dates à venir pour les deux groupes. Il y a donc la date du 2 juillet au Portobello. Y a-t-il d’autres dates de prévues ?
Alexandre (170 39) : On joue la veille aux Art’Zimutés, on fait la clôture de la soirée. Cela fait suite au tremplin qu’on a gagné en 2019. Ils ont eu la bonté de nous rappeler. On essaie de voir pour faire une tournée commune avec D.E.M. pour la suite.
D.E.M.
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