Sorti le 18 mars, « Barré », le nouvel album de Garz est le dernier opus d’une trilogie qui a débuté avec « Issues » et « Au Bord de la ». Le clip de « Cœur d’Artichaut », deuxième extrait de l’album après « Ça va mieux » vient de sortir le 18 mars également.
A cette occasion, nous avons rencontré Matthieu Garczynski qui revient sur sa carrière et nous parle de son dernier album.
Tout d’abord, peux-tu nous présenter GARZ ?
Je suis auteur-compositeur-interprète, chanteur comme on dit communément. Je vis en Normandie depuis douze ans, dans le sud de la Manche. Avant, j’étais à Paris. Je développe mon projet sous le nom de GARZ depuis 2008. Auparavant, j’ai joué sous mon nom de famille Garczynski et encore avant à la fin des années 90 et au début des années 2000, j’avais un premier projet sous le nom de Oblomov. Quand j’ai commencé à sortir des disques autoproduits en 1998, je vivais donc à Paris. Le premier album s’appelait « Rock de Chambre ». J’aime bien le citer, car pour moi c’est un peu le début de l’histoire, le style que j’ai essayé de développer. Avec Oblomov, c’était un projet pour lequel j’écrivais et composais, mais j’avais des musiciens sur scène et on a fait quelques dates en trio guitare, basse, batterie. J’ai un peu navigué depuis vingt ans dans des formules solo, duo, trio, voire quatuor. Actuellement, et depuis quelques années, c’est un projet solo sur scène. Finalement, j’aime bien être en solo avec les machines et je crée beaucoup de cette manière avant de le retranscrire en concert. J’aime bien l’apport du public en solo, parce qu’en groupe tu es avec tes potes et tu n’es pas dans le même rapport avec le public. En solo tu es vraiment dans un truc comme dans un one-man show, dans une relation assez directe. Tu ne peux pas te cacher et j’aime bien ce défi.
Tu es également seul pour la production de tes disques ?
La scène, c’est le prolongement de ce que je fais sur disque, et donc, le dernier disque, je l’ai produit tout seul. En revanche, je l’ai fait mixer et masteriser parce que je n’ai pas la prétention d’avoir les compétences d’un ingénieur du son. Je me débrouille pour les machines, pour programmer, pour faire des prises de son avec les moyens du bord. J’ai un peu de bon matériel, donc ça va.
Avant la sortie de ton dernier album « Barré », il y a également eu un autre disque, « Chansons oubliées ». Peux-tu nous en parler ?
Oui, c’est un disque que j’ai fait pendant le confinement et vraiment bricolé à la maison. Pour le coup, personne n’est intervenu dessus. C’était une histoire avec La Souterraine, une plateforme qui diffuse beaucoup de pop française. Je leur avais envoyé deux ou trois titres que j’ai faits comme ça avec mon Casio et ça leur a bien plu. Ils m’ont encouragé à faire plus de titres. Et comme j’avais le temps, j’ai fait un album et je me suis amusé à reprendre des chansons de l’époque Oblomov. Toutes les chansons sont des reprises de cette époque, sauf « Qui est in qui est out » qui est une chanson de Serge Gainsbourg de la fin des années 60 que j'aime beaucoup. C’était marrant de reprendre mes propres titres avec Oblomov, car comme j’ai évolué artistiquement et que ma voix a changé, dans ma façon d’interpréter surtout, je trouvais ça sympa de les rechanter avec un dispositif minimaliste et de pouvoir m’atteler à la mélodie et au texte. Et j’adore ce petit Casio des années 80 que j’utilise beaucoup sur scène aussi pour les musiques que je fais pour le théâtre. Tout ça pour dire que c’était un disque un peu à part et que je ne le considère pas dans le prolongement des deux précédents (« Issues » et « Au bord de la ») contrairement au dernier, Barré.
Ces deux précédents disques étaient produits de la même manière que Barré ?
Non. Ils ont été réalisés avec des producteurs (ou réalisateurs artistiques comme on dit en France). Laurent Beaujour, qui fait pas mal d’accueil technique dans des salles en Normandie et qui est musicien également, a co-réalisé l’album Issues avec moi. Il a son studio chez lui près de Caen. A l’époque, pour cet album, j’ai eu l’aide du Comité d’Aide aux Groupes, ce qui m’a permis de prendre un réalisateur. Pour l’EP Au bord de la, j’avais un éditeur sur le coup qui m’a présenté un jeune producteur à Paris, Jonathan Lefèvre-Reich. On l'a enregistré dans son studio de l'époque à Ivry Sur Seine. Pour Barré, j’avais envie de tout maîtriser et de faire 100% des arrangements moi-même. J’ai acheté de nouvelles machines qui me plaisaient bien.
Dans « Barré », il y a beaucoup plus de synthé et il sonne plus new-wave et pop que les deux précédents albums.
C’était vraiment un choix d’utiliser les synthés et la boîte à rythmes. J’en ai racheté une qui est une réédition des années 80, la TR-808 et qui est utilisée dans le rap, l'électro et dans plein de musiques. Elle est revenue à la mode il y a quelques années. Comme j’ai commencé fin des années 80 à faire des productions tout seul, c’étaient les boîtes à rythmes que j’utilisais à l’époque. Donc j’ai eu ce parti-pris de refaire ce son, ou plutôt j’ai voulu m’amuser avec ces machines-là et voir ce que ça donnait. C’était pas du tout calculé. Je voulais faire toutes les basses-batteries avec ça, aller à l’essentiel avec les quelques machines que j’avais. Souvent, les réalisateurs en studio t’éparpillent alors qu’ils devraient t’aider à avoir une proposition plus affirmée. On m’a souvent reproché de trop partir dans différentes directions. Sur le dernier album, j’ai donc fait tout seul ce travail pour affirmer un son. Je ne sais pas si ce pari est réussi et s’il y a un son ou une identité qui ressortent de cet album…
Si, on sent bien cette identité ; on sent également qu’il y a un fil qui tient tout le long de l’album.
Quand j’écris des chansons dans lesquelles il y a un propos, j’aime bien construire l’ordre des morceaux et raconter quelque chose en sous-texte. Dans Barré, les chansons se répondent. Elles ont été écrites dans une période assez resserrée. La fin de l’enregistrement de l’album a été fait en Bretagne l’été dernier dans une maison qu’on m’a prêtée et dans laquelle j’ai installé mon studio. Je l’avais commencé à Vengeons, près de chez moi. Il y a l’influence maritime… « Transatlantique » a par exemple été écrite en Bretagne. Mais c’est inconscient, je me promenais sur la plage et je cherchais l’inspiration.
Il y a les Cévennes aussi…
Ah oui, c’est sorti de je ne sais pas où… En fait, je cherchais un titre d’album et comme je devais faire cinq ou six dates fin 2021, je me suis mis la pression pour finir l’album avant, juste après l’été. A un moment, il fallait donc trouver un titre. J’en avais trouvé un premier qui me plaisait moyennement, j’en ai parlé à un copain qui m’a dit que c’était naze. Finalement, j’ai trouvé ce titre Barré qui m’est venu une semaine avant le mastering. Quand j’ai eu ce titre, ça m’a inspiré une chanson. Le texte de la chanson m’est venu en dernier, je l’ai composée et enregistrée en une dizaine de jours… C’est là où il y a les Cévennes. Je ne sais pas trop comment ce mauvais jeu de mots est sorti avec « s’ouvrir les veines » et « Cévennes »… ça me faisait rire. C’est marrant parce que cette punchline est mentionnée dans mon communiqué de presse par le gérant du label Microcultures à qui j’ai laissé pas mal de liberté pour le rédiger.
Dans ce communiqué de presse justement, il est notamment fait référence à Bashung, à Philippe Katerine… De mon côté, je vois aussi peut-être une influence de Thiéfaine sur un morceau comme « L’Amour et la rédemption ».
C’est marrant que tu me dises ça parce qu’un copain, qui est un fan de Thiéfaine, m’a également dit ça. C’est le hasard, ce n’est pas vraiment une influence. Pour les influences, c’est moi qui ai voulu rajouter Bashung. Jean-Charles, qui a fait le communiqué de presse parlait de Carpenter… Il a cité des groupes ou des artistes qui n’étaient pas vraiment mes influences, mais ça lui faisait penser à ça. Je lui ai dit que dans cet album, notamment dans le travail que j’avais fait dans la voix, sur les textes, je me sentais plus dans la lignée de Bashung. C’est plus ma culture chanson rock. Gainsbourg et Bashung, ce sont un peu mes pères spirituels. J’ai plus de mal à me situer avec les artistes actuels.
J’aime bien la période de Bashung avec l’album Play Blessures, qui sonne très new wave ; il y a aussi le morceau What’s in a bird ? sur Figure imposée. C’est la période de Bashung que j’aime bien, bricolée avec des synthés. J’aime moins le Bashung grandiloquent de la fin. Avec mes synthés et mes boîtes à rythmes, il y a cet esprit-là des années 80. J’ai voulu me faire plaisir, mais c’est très égoïste car ce n’est pas le son du moment.
C’est une prise de risque que de faire un album qui sonne comme ça aujourd’hui ?
Non, ce n’est pas une prise de risque parce que personne ne m’attend et je n’attends plus grand chose à ce niveau-là ! Je me dis, autant se faire plaisir à soi-même et faire ce qu’on a envie de faire en musique plutôt que d’essayer de coller à je ne sais quoi par opportunisme. Si j’avais un label qui me disait de faire ceci ou cela pour vendre des disques, ce serait peut-être différent, mais personne ne m’attend dans ce sens-là, je n’ai pas de pression. Sur Au bord de la, j’avais un éditeur qui me faisait un peu chier, mais j’ai toujours tenu bon et fait ce que je voulais. J’étais sur la même longueur d’onde que le réalisateur, mais l’éditeur voulait nous faire changer des trucs… j’ai fait l’EP que je voulais, mais après, il n’a pas été vendu comme il aurait fallu, l’éditeur ne s’est pas battu. Il me reprochait un manque de cohérence, il trouvait que ce n’était pas assez homogène. Je ne suis pas d’accord avec ça, et tous les gens avec qui j’en parlent ne sont pas d’accord non plus. Donc là, la prise de risque je la prends tout seul… C’est plus par rapport à la scène le problème. L’enjeu pour moi c’est de convaincre les salles de me programmer et c’est compliqué !
Compliqué en région et en dehors ?
En région, j’arrive un peu plus à jouer. Hors région, si tu ne fais pas le buzz et si tu n’es pas une tête d’affiche, tu es dans la merde et c’est mon cas. Depuis vingt ans que je rame, je me dis on verra bien… A chaque fois, je me dis que c’est le dernier disque. J’avais d’ailleurs pensé l’appeler « Le Dernier Disque » ou un truc du genre, et en fait, le groupe Mendelson a sorti un album cette année qu’il a appelé « Le Dernier Album ». Heureusement que je ne l’ai pas fait parce que j’aurais eu l’air con !
Comment te situes-tu par rapport à la scène régionale et y a-t-il des groupes et artistes de la région dont tu te sens proche ?
Pas vraiment, je ne vois pas trop. Je suis loin de connaître tout le monde et d’écouter tout ce qui se fait. A un moment, j’aimais bien le groupe Cannibale au niveau du son. Ils tournent bien maintenant. Mais je trouve que ça manque en langue française ce genre de proposition. Je ne suis pas le seul à faire ce que je fais mais…
Justement, le choix de chanter uniquement en français, ça date de quand ?
C’est un choix qui date d’il y a longtemps déjà. Je chantais principalement en anglais avant l’album Rock de Chambre, fin des années 80 début des années 90, à mes débuts. Mais à un moment, j’ai trouvé mes limites en anglais. Je ne suis pas bilingue et j’ai voulu dire des choses plus personnelles. Et il y a eu la période chanson pop française avec Dominique A qui a émergé. Je suis un peu de la même génération, et là je me suis dit qu’on pouvait quand même faire des trucs en français sans être ridicule. Et quand tu as commencé à creuser ton trou là-dedans, tu ne vas pas revenir à l’anglais. Là tu aurais l’air encore plus ridicule… Chanter en français, c’est un défi.
En Normandie, ce n’est pas évident, c’est peut-être la proximité avec l’Angleterre car tout le monde chante en anglais et ceux qui chantent en français, ça va plus être de la chanson française à l'ancienne. Du coup, j’ai du mal à me sentir proche de quelqu’un d’ici en Normandie. Et le public, je ne sais pas ce qu’il est prêt à entendre. En français, il y a un défi à trouver un langage et de faire sonner les mots tout en gardant le son qu’on veut. Je trouve ça plus intéressant que de mâchouiller des trucs en anglais où tout le monde se fout des paroles.
J’ai fait également le choix de faire mixer la voix à un niveau pas trop fort. J’ai demandé que ce soit mixé un peu à l’anglaise, je ne voulais pas que les paroles soient trop en avant non plus pour qu’on soit libre d’écouter ou pas. Mais j’aime bien quand même faire passer les mots que j’écris. Il y a parfois des paroles en français où on ne comprend pas ce qui est chanté et ça me frustre un peu. Mes textes, je les chiade, ils ne sont pas dus au hasard...
Et c’est rendu comment sur scène ?
Les ingés son ont tendance à mettre la voix assez en avant sur scène. En concert, je me lâche plus. Je viens d'en faire un à la Médiathèque de Vire et ce ne sont pas des conditions évidentes mais avec Laurent Beaujour, on a installé une vraie scène dans la médiathèque, on a fait comme si c’était une salle de concert. C’était marrant, il y avait des gens qui étaient assis sur des chaises et qui étaient très sages avec leur masque. J’ai quand même fait le show à fond et c’était très rock’n’roll finalement. A un moment, il y a un décalage entre le lieu et ce qui s’y passe. Les gens étaient contents, j’ai eu de bons retours. Des gens de Rennes m’ont dit d’aller jouer là-bas car ça correspond vraiment à l’esprit de la ville, pour les Bars en trans par exemple. Donc sur scène, des gens qui peuvent ne pas accrocher au disque peuvent entrer dans le truc parce que ça part un peu plus dans tous les sens.
Et il y a une vraie interaction avec le public ?
J’aime bien interpeller le public. J’avais une espèce de mini écran où je projetais des photos un peu décalées, un peu obscures. Je mets des trucs intimes ou abstraits. Ça me permet de faire le lien entre les chansons, de raconter des trucs et de bidouiller une programmation en direct étant donné que tout est analogique. L’idée, c’est de créer un petit spectacle et ça marche dans les bibliothèques ou les théâtres, pour la dimension intime. Je ne pourrais pas forcément faire ça sur une grosse scène comme Le Normandy par exemple.
Avec le morceau Ça va mieux, il y a un clip qui est déjà sorti et il y en a un deuxième qui est en préparation.
Le premier est sorti il y a six mois et le nouveau c’est Cœur d’artichaut qui est un morceau beaucoup plus lent, une sorte de reggae électronique. Un copain m’a dit que ça faisait penser à François de Roubaix et du coup, j’ai dit que c’est Bob Marley remixé par François de Roubaix (rires). C’est un peu tiré par les cheveux… François de Roubaix pour le côté électronique, et puis tu as la rythmique reggae roots vraiment à l’ancienne… C’est un titre différent du précédent single, avec une mélodie un peu répétitive et une dimension plus fantaisiste et moins sombre que sur d’autres titres. Quand je choisis une chanson, j’essaie de faire en sorte que ça puisse plaire au plus grand nombre. Ça va mieux était pour moi le titre le plus porteur et Cœur d’artichaut me semble être aussi un titre plus grand public, pas trop new-wave. Au début, j’avais pensé à L’Amour et la Rédemption comme single, faire un road-movie, mais ça aurait été plus risqué. J’avais pensé à Transatlantique aussi, mais j’ai pas trop d’idée de clip dessus.
Comment qualifierais-tu l’ambiance de l’album ?
En ce qui me concerne, j’arrive au bout de quelque chose. Artistiquement, ce disque est pour moi la fin d’une trilogie qui parle beaucoup de fuite. C’est pour ça que je l’ai appelé Barré, dans le sens barré un peu fou mais aussi dans le sens de partir.
Avec une volonté de se poser peut-être aussi ?
Peut-être après oui. Pour moi c’est dire au revoir a plein de trucs, c’est dire adieu à quelque chose. C’est pour ça que je dis que c’est la fin d’un cycle, parce qu’avec Issues et Au bord de la, il y avait quand même un côté un peu torturé, un peu fin de parcours et le fait de passer à quelque chose d’autre. Donc volonté de se poser, on pourrait dire ça, oui. Je ne sais pas ce que je vais faire après. J’ai déjà des idées, mais en même temps, j’ai parfois envie de reprendre une nouvelle identité ou d’avoir plusieurs projets différents. Au lieu de mettre tout ce que je suis dans le même album, j’ai parfois le fantasme de faire un projet par partie de moi-même. Mais dans la réalité, ce serait compliqué.
Quelles sont les prochaines dates pour toi ?
Il y a deux dates à la BIBI à Caen les 22 et 23 avril. J’avais déjà fait un show-case là-bas en décembre. Je vais jouer à Sourdeval dans la Manche aussi. Je cherche des dates et ce n’est pas facile. Je ne passe pas beaucoup de temps à chercher car je dois défendre mon disque en ce moment, je suis mon propre attaché de presse. Je dois caler un concert privé dans une maison à Toulouse, mais j’essaie de trouver quelque chose dans la même période sur le chemin. Un lieu à Poitiers par exemple. Tant que je n’ai pas cette date, je ne vais pas caler celle de Toulouse parce que cela ne vaut pas le coup de faire le déplacement si loin pour un seul concert.
J’ai fait plus de concerts avant la sortie du disque. Le disque existait déjà physiquement en décembre en CD parce que j’avais des dates, ça m'a permis d'en vendre quelques-uns ; ça donnait du sens d’avoir un support physique. Et j'ai fait ma release party au théâtre du Préau à Vire. Je voulais aussi avoir un CD pour la promo. A FIP Radio par exemple, il vaut mieux envoyer des CDs. Il y a encore pas mal de réseaux de radio qui veulent toujours le CD. Pareil pour France Inter. Et comme ça j'ai été invité dans l'émission Côté Club... (diffusion prévue tout début mai).
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Copyright photos : Christophe Bunel, Arthur Shelton, Sandrine Boudignon
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