Après avoir présenté son dernier album « Planet Nine » sorti le 1er octobre à Canteleu, Battan L’Otto est programmé au Point Limite à Rouen le 16 octobre.
Rencontre avec Silvia Morini et hOli.
Battan L’Otto est un groupe basé à Rouen qui existe depuis plus de 15 ans. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre style musical qui est volontairement inclassable ?
Battan L'Otto est un duo à moitié Rouennais et à moitié Romain, couple à la scène comme dans la vie, nous avons deux parcours artistiques distincts avant ce projet musical qui a démarré simplement dans la rue, deux voix, une guitare et un tambourin. Le répertoire était issu de la tradition orale principalement italienne, et il y avait aussi une démarche militante en reprenant ce répertoire anonyme et de fonction, l'envie de transmettre un patrimoine en voie de disparition mais aussi de parler du présent à travers le spectre du passé. En 2008, nous avons intégré les instruments électriques et les machines, cela ne nous semblait pas seulement cohérent dans la démarche mais aussi intéressant sur le plan formel de se faire rencontrer deux mondes, et sans négliger le plaisir d'emprunter à tous les styles musicaux, de jouer avec la musique qu'on a aimé et vécu en jeunesse, du punk, du post-punk, no-wave, du rock. Je crois qu'aujourd'hui on ne peut que faire de la méta-musique, le paysage musical s'est très appauvri, difficile de trouver du sincère et de l'original. Avec le temps nous avons intégré différents instrumentistes et chacun a eu la liberté de s'exprimer librement ; cela a aussi revigoré à travers les années nos choix et les couleurs musicales du répertoire.
A quel niveau le théâtre, qui occupe pour vous une place importante, intervient-il dans la création et dans les compositions de Battan L’Otto ?
En fait le théâtre fait partie de notre parcours à tous les deux, le travail sur la voix et sur le corps, que pendant des années nous avons cultivé au quotidien, est effectivement à la source du projet musical. Nous avons commencé à jouer plus comme des performeurs que comme simplement des musiciens. Nous avons travaillé sur des modes anciens et l'envie était de faire re-vivre ces chants, de faire passer l'humanité qui était derrière. En fait c'est hOli qui m'a fait découvrir le travail de Giovanna Marini, avec qui il a eu l'occasion de travailler, pour moi ce fut une révélation, rien à voir avec le folklore, figé et quelque part appauvri de lymphe. Le théâtre est présent dans notre travail dans le sens d'un surplus de vie, on ne prépare pas une chorégraphie à l'avance, la spontanéité est fondamentale chez nous, mais bien sûr pour cela il faut être "préparé" !
Battan L’Otto vient de sortir son 9e album « Planet Nine » produit par Kevin Tooley au début du mois d’octobre. Combien de temps de préparation a-t-il été nécessaire pour ce nouvel opus et comment s’est passée cette collaboration au World Wibe Vibe Studios ?
La longue période d'empêchement qui nous a contraint à l'inactivité a été en fait très bénéfique d'un certain point de vue. Pendant des années nous avons vécu dans la tension permanente, trouver des dates, se produire, avancer et là il n'y avait plus cet impératif, cette longue plage a été favorable à l'écriture. Certainement, il y a aussi le côté effrayant des événements et la certitude que ce fil qu'on a tissé pendant des années, entre passé et futur avec le répertoire populaire était cassé... En parler, et l'exprimer musicalement a été une évidence, une vraie exigence.
Nous avons fait connaissance avec Kevin Tooley lors d'une tournée du groupe New-yorkais Certain General et ce fut une vraie rencontre (c'est rare quand tu fais des premières parties, chacun reste dans sa loge, parfois ton son est même bridé pour que la star puisse briller davantage !). Nous sommes restés en contact sur FB, et la collaboration s'est établie très rapidement, au début il s'agissait juste de jouer les batteries sur des morceaux, mais quand il a entendu les maquettes il a dit "je produis". C'est après coup que nous avons découvert son parcours en tant que musicien et producteur. C'est génial de travailler avec un artiste de ce niveau, travailler à distance et sentir ce qu'il fait comme s'il était dans ton salon, un jeu vivant, créatif, porteur et valorisant, toujours à l'écoute dans nos ping- pongs nocturnes et nos conversations faites de pouces bleus et good vibes !!
Comment classeriez-vous cet album dans l’évolution de votre carrière ?
C'est une nouvelle saison qui s'offre à nous, rien ne sera pareil après cela. Planet Nine fait écho au projet Battan L'Otto (qui veux dire huit heures pétantes donc le neuf qui suit le huit) en l'englobant et le dépassant, il est l'évolution naturelle d'un travail plus que décennal sur un répertoire richissime parce que minimaliste et essentiel, qui a été notre atelier grâce auquel nous avons pu nous fortifier et puis voler de nos propres ailes. Rien ne sera pareil parce que l'écriture est un vaste champ et se découvrir à travers elle, cela aussi donne des ailes ; moi j'ajouterais aux influences du théâtre, le cinéma et l'art visuel car cette écriture se nourri de beaucoup d'images, langage prépondérant de l’époque ! Et rien ne sera pareil, car avoir un vrai son et un vrai producteur place la barre plus haut et t'oblige à l'exigence ! C'est un album concept et cela aussi c'est important. Il a du contenu et du sens, peut-être que cela va à contre-courant mais les modes ne nous intéressent pas trop !
Une présentation de « Planet Nine » a eu lieu le 30 septembre à Canteleu. Comment s’est passée cette rencontre avec le public après ces longs mois loin de la scène ?
Pour ce retour sur scène qui était aussi une sortie d'album, nous aurions voulu avoir Kevin avec nous. Depuis le début du projet c'était sa volonté, mais l'apocalypse nous est tombée dessus ; le seul fait de pouvoir quitter le territoire national aujourd'hui est un problème !
Pour honorer et restituer le travail de l'album nous avons préféré travailler avec un vrai batteur au lieu de jouer avec un ordinateur. Le concert a donc été monté avec une vraie formation de 5 musiciens, seul le guitariste, Adrien, a donné sa contribution à l'album, et un groupe avec nous c'était inédit !
Donc, à la tension habituelle d'une première, il faut ajouter la difficulté de jouer avec une formation toute fraîche et de jouer devant un public à demi masqué, mais il a été au rendez-vous (en ce moment c'est très compliqué pour les organisateurs !) et il a été réceptif, s'est laissé transporter, c'est ce que beaucoup m'ont dit !
Le 16 octobre, vous êtes programmés au Point Limite à Rouen dans le cadre d’Automne curieux. A quoi doit-on s’attendre dans ce lieu qui est avant tout un lieu de création et d’exposition ?
Nous habitons le même quartier et nous avons vu naître ce lieu, qui a un charme incroyable. Plusieurs amis artistes, l'ont choisi et ont installé leurs ateliers dans cette verrière lumineuse et hors du temps. Nous avons l’agréable habitude de nous produire dans des lieux atypiques et de nous en inspirer pendant nos performances, et les galeries d'art en font partie. Nous avons joué plusieurs fois au Point Limite, les artistes qui gèrent l’association sont des connaissances de longue date, c'est un lieu où l'on se rend avec plaisir, où il se passe toujours quelque chose.
Donc le 16 octobre prochain nous allons jouer à 5. Nous avons juste envie de prolonger le travail de la première, dans un cadre plus intime, cela va être une surprise pour tous et c'est très bien comme ça !